Alors, qu’est-ce que je vais sortir de mon chapeau ?
Nous sommes comme vous le voyez dans une situation où nous assistons à la mutation rapide et profonde des figures représentatives de l’autorité, de sa rhétorique et de ses moyens, de telle sorte que nous nous trouvons dans la situation inconfortable d’être fort incertains sur le type de société susceptible d’advenir. Et cela vraisemblablement à court terme.
Cette situation est évidemment propice à ce que nous nous interrogions devant cette incertitude, sur le fait qu’à ce jour, il n’existe toujours pas une science dont l’objet serait l’autorité. Elle est pourtant légitimée par le fait que les expressions de l’autorité sont toujours identiques, peu nombreuses, rigoureuses, je veux dire toujours strictement déterminées, et en tous cas assez rigoureuses pour systématiquement récuser tout ce qui relèverait de l’utopie. Une autorité respectée par une communauté, ça ne s’invente pas, ça est, et ça s’impose immédiatement comme telle.
L’absence de cette discipline qui serait consacrée justement à ce qui fait qu’il y a de l’autorité, l’absence de cette discipline, évidemment, nous laisse désarmés devant ce qui dès lors semble s’inscrire dans les événements comme une fatalité : on n’y peut rien, c’est comme ça. Non seulement c’est comme ça mais on ne sait même pas comment c’est advenu, c’est comme ça, voilà ! Outre le fait que, comme nous le savons, nous sommes des malades à l’endroit de l’autorité puisque, à historiquement la considérer, ce n’est jamais la bonne, et que ce soit sur le plan subjectif, que ce soit sur le plan familial, que ce soit sur le plan social, que ce soit sur le plan psychanalytique, ça n’est jamais la bonne. Autrement dit, depuis qu’existe une réflexion fort remarquable et fort savante sur ce que serait la forme la plus convenable pour notre espèce, celle qui serait susceptible d’assurer ce qu’on traduit en français par bonheur et qui est un mot grec : eudaïmonia. Je vais revenir sur ce mot de eudaïmonia.
Eh bien, dés le départ, d’une façon absolument remarquable, il y a 2500 ans est née une réflexion sur ce que serait la meilleure forme de l’autorité politique et cette réflexion n’a jamais été dissociée de la loi morale, celle-ci, la loi morale, venant commander ce qu’il en est de l’autorité politique. Il s’agit dans chaque cas de poser la question : de quelle façon nous pourrions vivre en société en connaissant la eudaïmonia ? C’est un terme à la fois platonicien et aristotélicien. C’est traduit par le bonheur, le bonheur qui est un concept sympathique qui pourrait signifier que finalement, la forme sage de gouvernement serait celle qui nous permettrait de nous heurter à un réel, à un interdit, à un impossible de la bonne façon, ça serait le bon heurt, et voilà ! C’est ce qu’il y aurait de mieux dans notre façon d’accepter les limites, les contraintes propres à notre vie psychique aussi bien qu’à notre vie sociale.