Je disais la dernière fois que si l’amour de la vérité n’avait pas toujours pu éviter à Freud quelques erreurs, il n’en restait pas moins qu’il fallait bien que la recherche de la vérité soit poussée assez loin dans ses embrouilles pour qu’en surgisse le réel, c’est-à-dire une butée, une contradiction dans la vérité même. Alors, est-ce qu’il est brut ou pur ? (Un réel plus brut que pur, à mon sens). D’autant que ce réel pour Lacan, s’il est là, c’est par sa façon de l’écrire. « L’écriture est un artifice. Le réel n’apparaît donc que par un artifice lié au fait qu’il y a de la parole et même du dire. Et le dire concerne ce qu’on appelle la vérité. C’est bien pourquoi la vérité on ne peut pas la dire. » (Le Moment de conclure, 10 janvier 1977). L’écrit est donc lié à ce qu’il y a de la parole, et surtout du « dire », mais cela ne dit pas en quoi consiste cet écrit. Est-ce que ça veut dire que ce qui s’écrit par le dire, c’est forcément de la lettre ? Au sens de la lettre typographique. C’est une question dont on a souvent discuté : qu’est-ce que c’est que la lettre ?
Je terminais : « Car à être dupe du nœud borroméen, je ne vois pas ce réel autrement que ficelé réellement aux sons et aux sens qui ont été produits au cours de ma propre recherche de la vérité. – Donc c’est un réel aussi qui se construit dans la cure – Contingence et fragilité donc de ce réel qu’un abandon à une jouissance pure et totale, comme dans la toxicomanie, ou aussi bien que l’exigence d’une vérité absolue, comme dans la paranoïa, peut volatiliser. Et faire sauter un impossible.
Je pensais que si l’on dévalorisait prématurément la vérité pour chanter les vertus de l’accès au pur réel on restait dans une promotion d’un nouvel idéal : « Du beau, du bon, Duréel ! ».
Me revient donc le titre de ce livre autrefois célèbre de Serge Leclaire, Démasquer le réel (1971). Je croyais disposer de ce livre pendant les vacances, mais en fait il n’était pas chez moi et je n’ai pu l’avoir que ce dernier week-end. Mais je vais quand même tenter de m’en servir pour mon propos. En fait, je me doutais bien que, en cette réminiscence de
« démasquer le réel » de ce livre, j’allais être un peu touché par la position de Serge Leclaire, dans cette espèce de, à la fois de souci d’être fidèle à l’enseignement du maître, Lacan, et en même temps un souci d’originalité qui déchire en permanence son texte, avec une espèce de position d’autocritique masquée, mais qui est assez perceptible. En plus, c’est quand même des livres qui sont assez anciens et qui nous rappellent notre propre entrée dans l’analyse et nos difficultés avec la théorie.
Donc ce texte, je n’ai pas eu le temps de le relire en entier. Mais je vais tenter de m’en servir pour mon propos. Ce titre, en effet, Démasquer le réel, m’est apparu soudain comme assez violent. Le livre a paru 3 ans après Psychanalyser (1968), autre livre dans lequel S. Leclaire déplie le cas de Philippe avec la découverte de ce qu’il appelle « son nom secret » : Pôor (d) j’e − li qu’il n’écrit d’ailleurs pas toujours de la même façon.