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Guillaume Erner  / Verdun en ukrainien se dit Kharkov

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France Culture 24 mars 2022. Guillaume Erner l’humeur du matin.

Hier le président ukrainien Volodymir Zelensky a pris la parole devant le parlement français, et comme il le fait à chaque fois qu’il s’adresse à une représentation nationale, il a choisi un lieu évocateur du désastre en cours en Ukraine – pour la France, il a choisi Verdun.

Verdun 1916 demeure dans l’histoire de la première guerre mondiale et des guerres en particulier, ce que l’on peut imaginer de pire en matière de boucherie, presqu’une année d’affrontement pour n’arriver à rien – ne me demandez pas ce que cela signifie arriver à quelque chose dans une guerre – 700 000 victimes, nombre vertigineux, moitié allemandes, moitié françaises. En écoutant Zelensky, je me suis demandé comment se disait Verdun en Ukrainien, eh bien je crois qu’il se dirait Kharkiv… Et en Russe, Verdun se traduirait Kharkov, ironie terrible il s’agit bien sûr de la même ville, ce Kharkiv aujourd’hui martyrisé aujourd’hui par les Russes. Je connais bien Kharkov parce que mon grand-père m’a raconté beaucoup trop de fois la bataille pour Kharkov durant la seconde guerre mondiale, les quatre batailles de Kharkov qui opposèrent l’armée rouge aux nazis renforcés par quelques bataillons supplétifs, la bataille pour Kharkov puisqu’il s’agissait de s’emparer de la ville et de poursuivre au-delà.

Kharkov était alors une prise cruciale pour Hitler puisque la ville constituait l’un des centres névralgiques de l’industrie soviétique. Kharkov est l’une des villes martyres de la Seconde guerre mondiale presque sans interruption, on se battit là-bas d’octobre 1941 à août 1943. Pour imaginer ce qui s’est déroulé dans cette ville, c’est simple, il suffit de songer à un lieu où l’importance de la vie humaine, son caractère sacré a été purement et simplement liquidé.

Durant la première bataille de Kharkov l’armée rouge perd 4 millions d’hommes -4 millions de vies abolies. A Kharkov, chaque personne est un mort en sursis, qu’il s’agisse des juifs, bientôt massacrés, des notables condamnés à mort, des enfants qui n’auront bientôt plus rien à manger.

Un homme a décrit l’enfer ukrainien, Vassili Grossman, écrivant par exemple dans « l’Ukraine sans juifs », « tout est silencieux, tout est calme, un peuple entier a été sauvagement assassiné ». Il faut raconter l’histoire de Kharkov même si cela ne sert à rien puisque l’histoire n’apprend rien aux hommes – Kharkov veut à nouveau dire l’enfer.