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Nicole Anquetil – LES RAPPORTS D’UNE FEMME AVEC LA PSYCHOSE

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Texte à retrouver sur le site de l’ALI à la page dédiée au RETOUR DU SÉMINAIRE D’HIVER 2018 : « LA FEMME EST L’AVENIR DE L’HOMME » SIGNÉ, DANIEL-PAUL SCHREBER (PARIS, LES 20 ET 21 JANVIER 2018)

S’il est vrai qu’une femme n’est pas toute, cela voudrait dire aussi que pour une part elle est folle – et je vois des hochements d’approbation parmi vous… Mais oui ! Parce que la question première c’est : qu’est-ce qui fait impossible pour une femme ? Est-ce qu’il y a de l’impossible pour une femme ?

Je ne sais pas ce que vous en pensez. Ça ne paraît pas démontré ? Ça ne paraît pas a priori évident ?

Dans cet examen du statut de la femme et de son rapport à la psychose, d’abord il est évident que la castration est pour elle plus claire. Plus claire, tout simplement parce que le bonhomme, lui, il est tout phallique, et que donc du même coup on pourrait en attendre tout ; tandis qu’elle, elle est marquée par le fait qu’elle n’est pas-tout. Voilà bien une forme de castration non seulement singulière mais pas évidente, puisqu’elle ne semble aucunement relever d’un rapport au Nom-du-père.

J’aimerais éventuellement que vous me contredisiez, que vous me disiez que non, mais est-il clair que le pas- tout phallique relève d’une bénédiction, de la marque du Nom-du-père ? N’est-ce pas plutôt une position qui ne peut être valorisée, elle, que par les œuvres : faut travailler, faut faire ce qu’il faut pour se faire reconnaître, et se faire reconnaître comme pas-toute phallique, c’est-à-dire en se mettant au service, à la fonction qui est assurément d’assurer la jouissance de qui se réclame du phallus.

Première question, le statut féminin ne vaudrait-il que par la position, la place de celle ou de celui qui s’y engage – place qui à mon sens reste un peu trop énigmatique, quoique d’un usage tellement courant parmi nous – place de l’Autre. Avec un premier appui pris sur ceci, c’est que le statut se trouve déterminé par la place donc que l’on se trouve prendre ou ne pas prendre.

La place de l’Autre, finalement je le dirais comme ça, c’est un grand fourre-tout. C’est la place de tous ceux qui ne se trouvent pas marqués d’une reconnaissance phallique dans leur rapport au nom-du-père. Il y en a un certain nombre, et s’ils ne veulent pas prendre le statut d’étrangers, c’est-à-dire comme relevant d’une autre lignée que de celle dans laquelle ils sont amenées à vivre, eh bien il n’y a pour eux d’autre recours que de venir se mettre au service du grand Un, phallique celui-là, et de s’y illustrer par leurs œuvres.

Souvenez-vous de cette grande discussion au sujet de la grâce, savoir s’il était possible ou non de l’acquérir par les œuvres, grande discussion qui est à la genèse du protestantisme. Mais il est clair que oui, c’est de la façon dont je vais ou non me mettre au service du Un phallique considéré, que je serai admissible ou pas. Et si je n’ai d’autre recours que de venir à cette place Autre ou de m’affirmer dans une identité différente – je prends volontiers ce type d’apport parce qu’il vient croiser celui que nous rencontrerons au mois de mars au sujet de l’exil – la question pratique pour nous, la voilà : est-ce qu’on peut être marqué par la castration sans en forçant en quelque sorte la volonté du père, mais au prix de s’illustrer par des œuvres mises à son service ?

Et donc on peut voir par ce biais, le type de détour qui permet de ne pas être complétement dingue. Puisque c’est là l’autre issue, et celle qui nous intéresse plus spécialement aujourd’hui par des dispositions que Schreber a explorées. Avec évidemment cette petite difficulté, c’est que pour lui, le pas-tout, c’est-à-dire ce qui impliquerait justement l’un des effets, l’une des modalités de la castration, eh bien c’est bien parce qu’il l’ignore qu’il est fou, et il ne trouvera un semblant de stabilité qu’en se faisant la femme toute.

On s’aperçoit assez que le vécu féminin – l’exigence féminine, ce qu’elle réclame, ce dont elle souffre – se trouve entièrement disposé par un type d’organisation complétement indifférent au fait de savoir si elle est vivante ou pas, s’il s’agit d’un être vivant ou de n’importe quoi. C’est comme ça que ça marche !

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