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Collectif / Transgenres et intersexes : LES ENFANTS SONT DES PERSONNES

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L’accompagnement médical d’affirmation de genre est encore vivement critiqué. Pourtant, condamner ces pratiques revient à négliger la souffrance des jeunes qui ne reçoivent aucun traitement. Il est du devoir des adultes d’accompagner le développement psycho-affectif de ces enfants.

Le 11 septembre 1909, dans le journal la Dépêche sous-titré « Journal de la démocratie », un journaliste croyait voir dans un livre du philosophe autrichien Otto Weininger les causes d’une « épidémie d’homosexualité ». Près de cent douze ans plus tard, le 10 mars dernier, la psychanalyste et historienne de la psychanalyse Elisabeth Roudinesco affirmait sur un plateau de télévision qu’on vivait actuellement une « épidémie de transgenres ».

Rappelons que ce n’est qu’en 1982, sous le premier gouvernement de gauche de la Ve République, que les personnes homosexuelles ont été mises sur un pied d’égalité avec le reste de la population, avec une majorité sexuelle à 15 ans et non plus 21. Aujourd’hui, ce sont les jeunes transgenres qui font encore l’objet de discriminations. Selon une récente tribune, les jeunes transgenres ne seraient que des « jeunes en mal d’identité et en proie à toutes sortes d’angoisses ». Les signataires s’inquiètent de diagnostics de dysphorie de genre (décalage entre sexe de naissance et genre vécu) qui s’accroissent « de manière exponentielle ». L’accompagnement médical d’affirmation de genre est critiqué.

Et si cette forte hausse était simplement due au développement des consultations spécialisées et à la prise en compte progressive de la diversité de genre qui touche près de 1% de la population ? Cela fait à peine dix ans que de telles consultations existent et les délais pour obtenir un premier rendez-vous excèdent souvent un an. Il en va de même pour la dyslexie à l’école : les enseignants sont mieux formés pour repérer les enfants qui en souffrent, les chiffres augmentent, mais on peut raisonnablement supposer que la part de la population souffrant de dyslexie reste constante.

Ce qui chagrine certains psychanalystes et cliniciens, c’est que depuis 2013, les mineurs peuvent bénéficier de traitements médicaux voire chirurgicaux pour s’approcher d’un genre auquel ils ou elles s’identifient, sous réserve de l’autorisation parentale. Ces traitements peuvent bien sûr avoir des effets secondaires, mais condamner ces pratiques sur la base de ces effets revient à négliger la souffrance des jeunes qui ne reçoivent aucun traitement. Parmi les mineurs transgenres, on note une forte prévalence de troubles anxieux (21%), de troubles de l’humeur (12 à 64%), de risques de comportement auto- agressif (jusqu’à 53%) ou de tentatives de suicide (22 à 43% sur la vie entière et de 9 à 10% sur l’année précédente) et de décrochage scolaire.

Curieusement, les personnes refusant l’accompagnement médicalisé des jeunes transgenres s’indignent du fait que des opérations sont réalisées sur des corps sains d’enfants. Il n’en est rien puisqu’aucune intervention chirurgicale n’est proposée à des enfants prépubères, ni aucun traitement médicamenteux. Des traitements bloqueurs de puberté, totalement réversibles, sont éventuellement prescrits à des adolescentes ou adolescents en début de puberté pour leur laisser le temps de préciser leur identité de genre, des traitements par hormones sexuelles à partir de 16 ans après avis d’une commission pluridisciplinaire et conformément aux recommandations internationales.

Les contempteurs de ces modes de prise en charge pluridisciplinaires, déjà en place depuis longtemps dans de nombreux pays, accordent au concept de nature une place fondamentale, quasi religieuse. Entend-on ces mêmes personnes critiquer les interventions chirurgicales irréversibles sur des personnes intersexes mineures (qui présentent des caractéristiques sexuelles qui ne correspondent pas aux définitions binaires typiquement mâle ou typiquement femelle, que ces caractéristiques soient visibles à la naissance ou apparaissent plus tard au cours de la vie, notamment à la puberté) ? Souvent, des médecins convainquent les parents de choisir un sexe et un genre pour l’enfant. Des collectifs de personnes intersexes vivent cela comme un traumatisme, évoquant une mutilation en l’absence de tout consentement de la personne concernée. Il n’est d’ailleurs pas rare que ces personnes devenues adolescentes ou jeunes adultes consultent pour envisager un autre genre que celui qui leur a été imposé. En juillet dernier, lors de la discussion du projet de loi relatif à la bioéthique, le député Bastien Lachaud a rappelé que la France avait été condamnée par l’ONU pour avoir autorisé des opérations non consenties et non urgentes sur des enfants intersexes. Ses collègues Laurence Vanceunebrock et Raphaël Gérard ont permis qu’une plus grande attention leur soit portée.

En somme, qu’il s’agisse d’accompagnement d’affirmation de genre des jeunes transgenres ou des enfants intersexes, il est grand temps de considérer que les enfants sont des personnes et que les adultes – parents, enseignants et praticiens – doivent accompagner leur développement psycho-affectif dans l’intérêt de leur santé, définie selon l’OMS comme un état de complet bien-être physique, mental et social et non pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité.

Association  Espace   Santé   Trans,   Thamy Ayouch,   (psychanalyste,   professeur   des   universités,   Université   de Paris), Collectif Intersexes Et AlliéEs, Patrice Desmons (philosophe, psychanalyste, consultant en «  santé  mentale  »), Karine Espineira (sociologue des médias, Université Paris 8), Patrick Jouventin (pédopsychiatre, chef du service adolescents, centre hospitalier de Montfavet), Laurie Laufer (psychanalyste), Clément Moreau (psychologue clinicien), Oliv’ Riccobono- Soulier (membre du Pôle LGBT Vaucluse, la LanGouste à BreTelles), Beatriz Santos (psychologue clinicienne, MCF Université de Paris), Jérôme Segal (historien et essayiste, MCF Sorbonne Université) Eliot Sévricourt (militant transféministe et psychologue au Centre  LGBTI de Normandie), Guy Sinden  (co-président  de  l’association Droit au Corps), Maud- Yeuse Thomas (fondatrice de l’Observatoire des Transidentités)