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Alejandra Ruiz Lladó – Des commentaires en marge du cas Luana

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« Je sais qu’il y a – tout au moins dans cette ville – de nombreux médecins qui veulent lire – est-ce assez écœurant – un cas clinique comme un roman à clef destiné à leur divertissement, et non comme une contribution à la psychopathologie de la névrose » 

Sigmund Freud

Faisant partie de ce que nous devrions considérer un genre discursif nouveau, ou, au moins, un sous-genre totalement situé dans l’espace du témoignage, il y a un certain temps a commencé à circuler une quantité importante de récits familiers, spécialement de mères, mais aussi de pères, de psychologues spécialisés, d’instituteurs, qui prennent la parole pour faire connaître l’histoire d’un garçon ou d’une petite fille trans. Du point de vue du discours de genre, l’intention manifeste est sans doute de « rendre visible » l’existence de ces cas, dans l’idée peut-être de les faire connaître pour apporter de l’information pour d’autres cas qui pourraient exister, leur permettant, le moment arrivé, de se reconnaître entre eux. Ainsi, Judith Buttler a dit, dans sa dernière conférence à l’Untref, à Buenos Aires, qu’elle s’illusionnait sur la possibilité du fleurissement de beaucoup d’enfants trans. « Le petit garçon ou la petite fille trans ne doit pas être isolé, il doit être en communautés avec des pairs, pour qu’ils ne soient pas exposés à la famille comme étant la seule structure sociale. Il faut une transformation immense dans les écoles, dans les gymnases, dans les parcs, pour que les petits garçons et les petites filles trans puissent fleurir. Les enfants trans doivent être avec d’autres enfants trans pour qu’ils puissent s’identifier et jouir de la vie ».

« Moi petite fille, moi princesse : Luana, la petite fille qui a choisi son propre nom », est un livre écrit par Gabriela Mansilla, mère d’une fille trans. C’est un journal, qui commence en 2011, lorsque Luana a 4 ans, et qui finit en 2013, avec l’obtention d’une carte d’identité féminine. C’est la personne la plus jeune du monde à obtenir ce changement.

Dans son journal, la maman de Luana raconte que, par un accouchement difficile, elle a donné naissance à deux garçons jumeaux. Un, tranquille, qui reposait normalement. L’autre, avec beaucoup de malaises : insomnie, troubles alimentaires, chute des cheveux. Rien ne le satisfaisait. L’une des choses qu’il aimait, à 2 ans, était le film « La Belle et la bête ». Fasciné avec  le film, il le voyait à plusieurs reprises et il désirait danser comme la Belle. Un après-midi, lorsque la maman dansait avec ses deux enfants, Manuel a regardé la jupe de sa mère et il est allé au placard, revenant avec une de ses jupes. La maman la lui a mise, et elle dit : « il n’a jamais plus voulu l’enlever ». À 3 ans, elle raconte, son enfant a dit « Moi petite fille, moi princesse ».

À partir de ce moment, et toujours en suivant à la lettre le texte de la mère, certains objets ont commencé à jouer un rôle déterminant. Les jupes, les T- shirts longs de la mère portés comme une robe, une poupée Barbie, un costume de princesse et une perruque : tout cela et d’autres éléments chargés d’un certain semblant de féminité ont commencé à circuler entre l’enfant et la mère, qui, en partie, résistait à les lui donner, et en partie l’acceptait, face au malaise, aux pleurs et à la douleur de l’enfant. Pour cette raison il a été adressé à un neurologue, à un psychologue, et plus tard, lorsque la situation empirait, à un psychanalyste. Aucun des professionnels n’a réussi, et l’enfant allait de  pire en pire. Devant les essais des thérapeutes pour qu’il accepte sa condition de garçon, il se sentait dérangé et il cachait les vêtements féminins ou les mettait en cachette. À 3 ans et demi, il s’arrachait les cheveux, il cognait sa tête contre le mur, il se mordait. Par hasard, les parents ont vu un film documentaire de National Geographic sur le transgenre, et ils y ont reconnu sur le coup leur enfant. « C’est ça qu’il a. C’est ça ».

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