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PHILIPPE COLLINET / NOTE DE LECTURE «MADAME, LETTRES D’UNE SCHIZOPHRÈNE À SA PSY» /

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Un livre qui par son originalité d’être écrit à quatre mains, et illusté par de très beaux collages, ne manquera pas d’émouvoir, de susciter la réflexion sur la structure et l’admiration devant les illustrations, collages de l’auteur.   Madame, ni demoiselle, ni amie, ni copine : femme. Une femme qui rassemble et réfléchit l’image d’une jeune fille puis jeune femme et mère, entière et construite dans sa structure originale, originelle, qui se reconstruit. Elle est lue, entendue, regardée comme sujet, non comme objet de soin ou d’étude. Une femme à la place d’une autre, petite dame ou grande dame qu’importe. Si la place est celle d’un Grand Autre, c’est une autre qui l’accompagne, l’écoute et lui répond. Pour Marion, la place n’est pas vide, et la rencontre se présentifie dans la distance infranchissable du Réel.   Madame, ni amante ni maîtresse : une figure de l’amour courtois, que l’on emmène avec soi en croisade, une correspondante de guerre qui alimente les rêves et les fantasmes d’un amour impossible et interdit, qui protège et canalise les débordements d’un chevalier en campagne identitaire, serait-il Jeanne d’Arc ou Lucifer. Un amour qui précipite les formations de l’inconscient de l’Imaginaire.   Madame, ni ordonnatrice, ni féministe, ni opportuniste, dans cette partie de trente ans, elle ouvre les voies du transfert, elle entre en jeu, le je du sujet qui déplace sur l’échiquier de sa vie, les cavaliers, les pions, les fous, représentants des représentations inconscientes, mises au jour, mises à jour d’un journal qui déploie par l’écriture du quotidien le champ du Symbolique.   Marion, connaît la chanson, connaît la langue. Ici c’est lalangue qui s’exprime. Elle dévoile à ciel ouvert un inconscient qu’elle-même n’a pas à nommer, seulement à l’écrire en respectant le genre. La chose littéraire, c’est son style, ce qui fait la femme ou l’homme même, c’est son symptôme : trouver l’adresse d’un lecteur, d’une lectrice, à rencontrer, à aimer et qui l’aimera.   Marion, pour Madame, ose le genre épistolaire. Avec les habitués du salon de thé, logé au fond de son cœur, elle se fait dialoguiste en écrivant son journal, devenu le personnage incontournable pour révéler ce qui se tait, pour témoigner de ce qui ne cesse de ne pas s’écrire. Pour les autres semblables, elle devient romancière dans le récit de sa vie, interpelant le lecteur par ses ressemblances et ses extravagances sur celui qu’il est et celui qu’il se refuse à être.   Marion connaît sa langue, sa grammaire et son orthographe, ses pièges et ses difficultés. Elle les utilise, peut — être à son insu, on peut en douter, tant ils sont subtils, comme des bons mots, des mots d’esprit, oui, des lapsus. Ce qui déroute ou agace le lecteur pointilleux et orthodoxe, finit par l’amuser, l’interroger, le questionner sur ce qu’il lit et qui écrit. Le but est atteint. Quand Marion écrit : je est, son être est à la troisième personne bien singulière. Sans faute, je est un autre, comme Rimbaud. MADAME, LETTRES D’UNE SCHIZOPHRÈNE À SA PSY De Annick Outters et Marion Whyte Publié en mai 2020 ISBN : 979-10-96852-11-6 Broché 215/135, 240 pages – illustré Dépôt légal BNF avril 2020 ÉDITIONS BORROMÉES Distribué par l’Harmattan Prix :18 €  

PHILIPPE COLLINET