Claude Landman – La psychanalyse est-elle une psychothérapie ?
En 1933, dans la 34ème leçon des Nouvelles conférences d’introduction à la psychanalyse, intitulée « Eclaircissements, applications, orientations », même si Freud avance, je cite : « Vous le savez peut-être, je n’ai jamais été un enthousiaste de la thérapie – il s’agit de la psychothérapie en général – il n’y a pas de danger que j’abuse de cet exposé pour faire des éloges », il dira même qu’il vaut mieux en dire trop peu que trop sur ce point.
Même s’il avance ce que je viens de vous citer, il conclut cependant cette conférence de la manière suivante : « Je vous ai dit que la psychanalyse a commencé en tant que thérapie, cependant, ce n’est pas en tant que thérapie que je voulais la recommander à votre intérêt mais à cause – je l’ai déjà évoqué – de son contenu de vérité, à cause des lumières qu’elle nous donne sur ce qui concerne l’homme le plus directement, sur son être, et à cause des relations qu’elle découvre entre ses activités les plus diverses ». « Comme thérapie », il dira aussi qu’elle est la plus puissante mais dans ce passage, il dit que « comme thérapie, elle est une parmi beaucoup mais tout de même la première parmi ses pairs », et il termine ainsi : « Si elle n’avait pas sa valeur thérapeutique, elle n’aurait pas été découverte au contact des malades et ne se serait pas développée pendant plus de trente ans ».
Je vous conseille de lire cette 34ème leçon des Nouvelles conférences d’introduction à la psychanalyse et vous verrez à quel point elle est actuelle. Elle est actuelle dans la mesure où Freud fait état des critiques qui lui sont adressées à cette époque, mais c’est déjà une époque antérieure, parce que la psychanalyse est née, on va le dire comme ça, en 1900 avec la publication de L’Interprétation des rêves. Freud donc y parle des critiques adressées à la psychanalyse, le fait qu’elle n’est pas en mesure de prouver statistiquement qu’elle est justement thérapeutique.
Quand on sait aujourd’hui – et certains d’entre vous sont certainement au courant – que la psychanalyse a été exclue des bonnes pratiques concernant les troubles dits du spectre autistique, on mesure l’actualité du texte de Freud. Ce qui est formidable dans ce texte, c’est qu’il dit que, finalement, se produit à l’endroit de la psychanalyse un phénomène de masse à petite échelle.
Il ne s’agit pas des masses mussoliniennes ou hitlériennes, mais que comme vous le savez – ceux qui ont assisté à mes cours de l’an dernier sur la psychologie des masses – Freud montre que pour qu’une masse se constitue dans son homogénéité, il faut qu’elle puisse avoir un leader ou, et c’est dans le texte de Freud, l’équivalent d’un leader, c’est-à-dire un mot d’ordre, voire une opinion scientifique, dit-il dans ce texte. Une opinion scientifique vaut, peut se substituer très bien à un leader pour faire masse. Donc, cette masse n’a son homogénéité, sa cohérence, qu’à partir du moment où elle exclut les autres ou un autre. En l’occurrence ici, et bien que, semble-t-il, les choses aient un petit peu changé, en ce qui concerne l’autisme, c’est véritablement un phénomène de masse à une petite échelle auquel nous avons assisté, qui a consisté à exclure la psychanalyse comme étant susceptible d’être un moyen parmi d’autres pour prendre en charge les enfants autistes. Il y a même maintenant – ça va peut-être être modifié – des recommandations de la haute autorité de santé pour, dans les hôpitaux de jour, faire la police et s’assurer que les enfants autistes ne sont pas pris en charge par des psychanalystes.