Olivier Monod / Le congé paternité fait reculer la dépression des pères
Texte publié dans Libération le 4 janvier 2023
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Les pères qui prennent un congé paternité seraient moins à risque de dépression post-partum. C’est le résultat d’une étude de l’Inserm de suivi de plus de 10 000 couples de jeunes parents.
Le congé paternité, antidote à la dépression des pères ? C’est ce que suggère une étude française de l’Inserm parue dans la revue The Lancet, ce 4 janvier 2023. Ce lien n’avait encore jamais été établi. Les chercheuses ont suivi plus de 10 000 couples de jeunes parents. Deux mois après l’accouchement, plus de 64 % des pères suivis avaient déjà pris un congé paternité, 17 % ont déclaré avoir l’intention d’en prendre un et près de 19 % n’en avaient pas pris et ne projetaient pas d’en prendre. Dans cette dernière catégorie, le taux de dépression post-partum était de 5,7 %, contre respectivement 4,5 % et 4,8 % dans les deux premières.
Un argument en plus en faveur du congé paternité – passé de quatorze à vingt-huit jours en 2021 en France -, pour Katharine Barry, doctorante Inserm à Sorbonne Université et première autrice de ces travaux. « Outre les avantages que le congé paternité peut conférer en matière de dynamique familiale et de développement des enfants, il pourrait donc également avoir des effets positifs en matière de santé mentale des pères», explique-t-elle.
Cette étude a un autre résultat plus difficile à comprendre. En effet, les femmes dont le conjoint prend un congé paternité apparaissent plus à risque de dépression. 16,1 % des mères dont le partenaire a utilisé le congé paternité présentaient une dépression post-partum contre 15,1 % de celles dont le partenaire avait l’intention d’utiliser le congé paternité, et 15,3 % de celles dont le partenaire n’avait pas pris de congé paternité. De quoi surprendre.
Maria Melchior, directrice de recherche à l’Inserm et coordinatrice de l’étude apporte un élément de compréhension. « Il est ainsi possible que les pères dont la compagne est plus à risque de dépression, prennent plus volontiers un congé paternité», avance-t-elle. En effet, elle précise que « nous n’avons pas pu évaluer suffisamment la préexistence de troubles dépressifs en dehors d’une autre grossesse chez les mères ».
L’intérêt du congé paternité n’est donc pas remis en cause, pour les chercheuses par ce résultat. C’est même l’inverse. «L’association négative observée chez les mères pourrait suggérer qu’une durée de 2 semaines de congé paternité n’est a contrario pas suffisante pour prévenir la dépression post-partum des mères», reprend Katharine Barry.
Cela tombe bien, leurs prochains travaux devraient porter sur l’impact que la durée et le moment du congé paternité sur la santé mentale des parents et sur le développement des enfants.