Jean-Jacques Tyszler / Qu’est-ce qu’un corps pour la psychanalyse?
Texte paru dans les Actes du Séminaire de l’AEFL 2007-2008
Je voudrais vous parler ce soir de la question du Réel du Corps dans la psychose. J’en donnerai seulement quelques bordures pour vous faire envie. Le corps, c’est un thème extraordinairement difficile. Tout d’abord, de quel corps parle-t-on dans la psychanalyse ?
On peut distinguer à gros traits plusieurs niveaux de la question du corps : le premier niveau, qui est celui que vous traitez quand vous consultez votre médecin est ce qu’au pourrait appeler le Réel physiologique du corps qui est un niveau sur lequel le psychanalyste n’a usuellement pas beaucoup de visibilité, encore que, il peut arriver qu’en recevant quelqu’un au cours d’une séance, il peut arriver de diagnostiquer dans son propos quelque chose qui fait appel d’une organicité. Tout à coup on est éveillé à un problème organique chez son patient et on lui demande de consulter un médecin, car quelque chose nous a sollicités. Néanmoins, ce Réel physiologique du corps n’est pas le champ de prédilection de la psychanalyse.
Il y a un autre niveau du corps qui est celui de l’Imaginaire du corps. Là, il n’y a pas besoin de la psychanalyse pour parler de l’Imaginaire du corps. Il va de soi que le corps pris dans ses dimensions artistiques, esthétiques, le corps pris dans la danse, enfin toutes ces formes socialisées et nécessaires de l’Imaginaire du corps, également aussi dans l’histoire de la psychanalyse des dimensions qui sont celles de l’imago, c’est-à-dire une dimension du corps vectorisée par la question du miroir. La psychanalyse a à voir avec cet imaginaire du corps au sens ou le sujet qui vient nous parler parle souvent de l’engagement dans cet imaginaire du corps.
Maintenant, le corps qui nous intéresse davantage en tant que psychanalystes, en tout cas, je pense que c’est comme cela que Lacan a fait porter l’accent concernant la dimension du corps : c’est le corps en tant que Lacan disait « Le corps c’est l’Autre » c’est-à-dire le corps n’est fait que de mots, que de signifiants, que de lettres. Le corps c’est l’Autre. Toucher au corps c’est toucher aux mots, toucher aux mots c’est toucher au corps. C’est une dimension assez particulière à la psychanalyse et à mon sens surtout à la psychanalyse version lacanienne avec cette insistance sur le bord symbolique du corps.
Lacan utilisait beaucoup les 3 registres sollicités tout au long des séminaires : Réel, Symbolique Imaginaire, il va de soi que parlant d’un signifiant aussi complexe que le corps il nous faut à chaque fois le distribuer le mieux possible au sein de ces trois registres, car sinon nous ne savons pas de quoi nous parlons quand nous disons simplement « le corps ». C’est important : lorsque quelqu’un se présente au cabinet du psychanalyste, quand il parle du corps, de son corps, l’analyste l’entendra dans les deux registres dont j’ai parlé tout à l’heure, c’est-à-dire il ne l’entendra pas en spontanément tant que la physiologie du corps, mais dans le nouage de l’imaginaire du corps et des mots pour le dire. C’est une distinction épistémologique très importante. Il va de soi qu’il y a dans l’univers des sciences et des techniques beaucoup d’autres façons d’aborder le corps qui sont bien entendu tout à fait respectables — si vous allez voir un chirurgien vous seriez assez étonné qu’il ne s’intéresse qu’à la dimension du corps imaginaire. Évidemment son acte est requis dans un registre tout à fait précis. Ce qui fait que les chirurgiens dit-on, sont économes de leurs dires d’ailleurs. Ce n’est pas ce bord-là sur lequel ils se trouvent sollicités. D’un point de vue panoramique, il est intéressant de noter que la question de l’autonomie, la façon dont nous parlons aujourd’hui du corps comme une entité autonome, c’est surprenant, mais c’est quelque chose qui est assez récent dans la culture. Il a fallu attendre le 18e le 19e pour que le corps humain soit parlé comme entité autonome. Et là nous sommes dans un moment qui est plus paroxystique puisqu’on peut dire que désormais le corps a acquis son autonomie puisque les juristes parlent même des droits du corps. Le corps est même devenu un acteur politique : le corps comme acteur citoyen. Et là, au moment où ce corps devient autonome, au paroxysme de son autonomie, nous allons avoir affaire à un processus de dispersion et de fragmentation du même corps. C’est quelque chose qui peut se travailler à partir des travaux des historiens, des ethnologues, des anthropologues, des sociologues. En tout cas nous sommes pris dans un double phénomène qui est l’opposition quasiment religieuse, théologique de l’idée de l’unité de l’homme et de sa place dans la création et tout à coup de l’idée d’un corps qui se fait de plus en plus composite et qui devient au fond comme on le voit dans l’art, le body art, le corps envisage comme lieu de transformation. Lieu non pas d’unité, mais de transformation continue. À l’image d’ailleurs pour ceux qui travaillent dans la question du cognitivisme et la question des sciences du cerveau, à l’image du cerveau des cognitivistes, décomposé en unités fractionnées et fonctionnelles. Ce qui fait que bizarrement, même pour nous qui étions formés après les questions de l’imago aux questions de l’image du corps vous savez que Lacan fait son entrée dans la psychanalyse avec le stade du miroir, la façon dont le corps par anticipation prend unité.
Quelque chose nous met aujourd’hui au défi : le corps au fond n’a plus d’imago bien cernée ni même simplement de représentation narcissique qui nous demeure claire. Le corps est souvent aujourd’hui vécu comme quelque chose qui n’est pas facile à saisir, mais qui est une perpétuelle transition de formes. Transformation continue. Présenter les choses comme ça, c’est mettre en abîme les mots que nous utilisons nous-mêmes. Tout à l’heure, j’ai moi-même utilisé le terme d’imaginaire du corps, mais il va de soi que la notion contemporaine du corps lui-même met en difficulté ce que nous appelons aujourd’hui l’imaginaire du corps.
Quand entre-nous entre collègues on dit imaginaire du corps, on ne sait pas trop ce que c’est. Puisque la transformation continue du corps, sa dispersion moderne fait que nous ne savons pas trop à quelle image ce collègue fait appel pour fixer cette dimension de stabilité dans l’imago. Et donc nous sommes apparemment un tout petit peu, éloignés de ce à quoi Lacan faisait référence quand il parlait de son fameux stade.
Il y a aussi d’autres difficultés concernant la clinique, quand nous abordons les cliniques du corps ce qui est souvent assez difficile c’est que nous filons toujours le bord d’un phénomène. C’est-à-dire nous essayons de prendre la totalité du corps par un phénomène différencié. Par exemple vous savez qu’il est très difficile dans un pays comme le Brésil où il y a des phénomènes de covariance, par exemple vous savez que le Brésil est un des pays les plus avancés du point de vue de la chirurgie transformatrice. Quand vous arrivez au Brésil, en sortant de l’avion vous trouvez dans les kiosques autant de revues de chirurgie transformatrice que vous trouvez ici de revues « féminines ». Il est rare qu’une jeune fille brésilienne de 17 ans ne se soit pas déjà fait refaire une bonne partie du corps. C’est devenu massivement la norme. Mais c’est difficile à penser isolément. Si vous dites : je m’aperçois que le corps est maintenant livré à la chirurgie, de manière massive les jeunes femmes se livrent au scalpel, mais c’est un phénomène qui se laisse peu plier à la réflexion de manière univoque. Vous êtes obligé de solliciter d’autres éléments, de covariance en quelque sorte, par exemple le fait que dans ce même pays, quelque chose du corps réapparaît au sein de la culture religieuse et comme vous le savez le Brésil est un des pays qui perd pied du côté du classicisme du catholicisme et qui fait surgir, qui fait resurgir en particulier des phénomènes religieux massifs de transe : des questions magiques, des questions de transe qui touche donc à des assemblées réunies autour de choses qui étaient en principe refoulées voire forcloses par le catholicisme. Vous voyez donc, ce n’est pas facile en clinique, cela oblige à ce que l’on opère une mise un peu tranquille en série : pour parler du corps, pour parler des phénomènes contemporains touchant au corps, cela nous oblige à mettre en batterie toute une série de phénomènes assez différenciés, parfois complexes, parfois paradoxaux en tout cas qu’on peut appeler là covariants c’est-à-dire qu’ils semblent travailler une société ensemble.
Pour vous donner un autre exemple de travail, je m’étais beaucoup arrêté sur les nouveaux rites de scarifications et de tatouage chez les jeunes parce que quand on travaille dans des centres pour enfants et adolescents on reçoit, non pas en nombre incalculable, mais quand même nous recevons un certain nombre de jeunes qui viennent se marquer, se trouer le corps, et j’avais beaucoup travaillé ça parce qu’il me semblait qu’à l’évidence et contrairement aux vues d’une certaine sociologie moderne, il est très difficile d’inscrire ces nouveaux rites dans toute l’histoire depuis la nuit des temps des marquages sur le corps. Toutes les sociétés ont marqué leur corps, l’ont troué l’ont travaillé l’ont complété, l’ont décomplété. Mais il semble qu’il soit très difficile d’inscrire les propensions de nos propres jeunes à se trouer aujourd’hui le corps dans l’histoire simple de ces rites initiatiques ancestraux. Et pour le dire comme ça, mais peut-être qu’on pourra en parler tout à l’heure, il semble que l’imaginaire qui est sollicité par ces jeunes n’est pas facilement enchâssé dans une symbolique de filiation. C’est-à-dire il ne semble pas que cela s’enchâsse dans de grands récits qui seraient des récits de passage et de rites pour devenir par exemple homme ou femme, fils de, fille de, etc. et donc la question que nous nous posons est que nous sommes obligés de nous poser, c’est : après tout quel type de signification donnée à la fois pour nos patients, nos patientes, mais même quelle signification sociétale donnée à des phénomènes massifs comme ceux-là, qui touchent à l’économie du corps. Probablement d’ailleurs à un déplacement de ce que l’on appelle nous même imaginaire, le terme même d’imaginaire du corps.
L’expérience de la psychose permet de toucher du doigt de fausses évidences, puisqu’habituellement nous ne savons pas ce qu’est un corps. L’expérience de la psychose le démontre, à la nuance près que c’est un savoir qui n’est pas facilement accessible par la voie de la lecture, il ne suffit pas de voir même un film qui est consacré à la folie, à la psychose pour que ce savoir se transmette, et donc malheureusement le réel de cette expérience se fait au lit du malade dans les hôpitaux, parfois pour nos collègues qui sont plus éloignés de ce champ, dans la question des présentations de malades. La semaine dernière, pour reprendre ce qui est venu dans mon champ de travail, nous rencontrons un patient dans un des grands hôpitaux psychiatriques parisiens où je vais assez régulièrement faire don de ce qu’on appelle encore une présentation de malades, je vais donc vous lire quelques lignes simplement d’un patient concernant ce qu’il dit de son corps. On est forcément tenté d’entendre ce qui va être dit de manière métaphorique, mais il faut essayer de l’entendre à la lettre : c’est-à-dire de ne pas ajouter du sens à ce que le patient est en train de dire.
« J’avais honte de vous en parler jusqu’à présent. Ça me gêne, mais il faut que je vous le dise. Je suis contrarié quand j’ai des angoisses, c’est-à-dire quand je vais voir mes parents. Je perds des choses par-derrière. C’est comme du beurre. Je veux m’essuyer, mais je n’y arrive pas. Et puis il y a du sang. C’est comme si j’avais été chié par ma mère. Elle m’avait dit tu es né dans un sac. Je prenais ça à la rigolade. Mais maintenant je sais que c’est sérieux. C’est comme ça que j’ai été fait. Aux waters par ma mère. Quand j’ai un malaise, j’ai honte. Je ne sais pas où me mettre, je tourne, je tourne jusqu’à ce que la honte me prenne. »
Et là il s’adresse il dit : « mais, au fond, qu’est-ce que ça veut dire d’être sorti de la cuisse de Jupiter ? C’est possible ? Ça existe ? Pour moi ça doit être comme ça : je suis sorti de la cuisse de ma mère, d’une seule cuisse. Je fais pipi de travers. Mon frère c’était pareil il faisait pipi par en dessous il a été opéré pour ça. » Ensuite il montre ses mains il dit « regardez mes ongles, ils sont différents. Celui de gauche c’est celui de ma mère, celui de droite celui de mon père. Pour les pièces c’est l’inverse. »
Quand vous commencez à écouter un patient comme celui-là, et ce n’est pas si extraordinaire, mais quand vous commencez à écouter un patient comme celui-là, l’idée même, d’une représentation de ce que ce patient appelle son corps, et l’idée qu’il se fait de la manière dont on vient au monde, par quel bout du corps, etc. cela met totalement en abîme, en difficulté, dans une impasse, toute idée de ce qu’on appelle la représentation du corps. Et ça, c’est une expérience qu’il nous faut accepter c’est-à-dire que le bord, le bord de la folie, de la psychose et ce patient n’est pas d’ailleurs un des plus désorganisés que ceux que nous pouvons trouver dans nos services, nous montre que l’idée même de ce qu’est un corps fait entrer l’interlocuteur et les praticiens dans des choses totalement inusitées. Ils ne peuvent même pas synthétiser précisément ce qu’ils viennent d’entendre. Nous ne savons pas ce qu’il y a à conclure, ce qui fait sens, ce qui fait signification dans une représentation comme celle-là. Cela me paraît important d’autant que concernant ce que l’on peut appeler un délire, c’est-à-dire la façon dont l’imaginaire vient suppléer au réel du corps ce patient à des propos délirants, à des propos de filiation puisque son prénom est Salomon, et donc va, à partir de son prénom, inventer un délire de filiation, nous parler du racisme, nous parler de l’Égypte. Un délire donc, mais qui d’un certain point de vue prête encore au sens. C’est-à-dire qu’assez curieusement quand vous écoutez le bord délirant d’un patient, d’un certain point de vue ces questions vous restent jusqu’à un certain bout, interprétables c’est-à-dire que nous comprenons, nous croyons comprendre, encore avec notre fenêtre de névrosés ce qui fait délire. Mais la topologie du corps touche à un type de réel qui, je le dis bien n’est ni imaginable, ni symbolisable. C’est pourquoi d’ailleurs qu’il mérite comme tel à cet endroit le terme de Réel. C’est-à-dire ça ne se prête ni à l’Imaginaire ni au Symbolique : vous ne pouvez ni l’imaginer, ni le symboliser.
La fin de mon propos est de vous faire valoir par un autre exemple qu’assez curieusement l’inscription dans la psychose de la folie aujourd’hui dans la question du corps bizarrement nous paraît également beaucoup plus sensée. Je vous donnerai un autre exemple tout à l’heure d’une jeune fille rencontrée à l’hôpital dont la folie était nette, mais pour des raisons contemporaines n’apparaissait pas et ne paraissait pas du tout aussi folle pour les collègues du service qui s’occupaient d’elle. Donc cela sera un peu le fil de mon propos c’est-à-dire d’un côté vous faire remarquer la résistance que nous avons à opérer sur l’évidence que représente le corps. Et pour ça la folie nous aide, la folie nous aide à dire nous ne savons pas dire ce qu’est un corps. Et pourtant assez curieusement, le fait de la modernité fait que les processus y compris de la psychose, nous rendent les transformations du corps quasi normales. On n’en voit même plus où est le problème. Deuxième point : que je voudrais vous proposer concernant ce que je disais en introduction qui touchait la transformation, la vision transformatrice continue infinie du corps qui serait en quelque sorte l’introduction d’un mode de ce qu’on pourrait appeler l’infini actuel dans le processus de la psychose.
Là je voudrais vous rappeler une notation tout à fait classique qui est le célèbre fantasme schreiberien que vous avez tous travaillé : la lecture de ce fantasme, fantasme entre guillemets puisqu’il ne s’agit pas d’un fantasme : Schreiber dit ceci, et il faut bien écouter, car cela ne va pas à l’évidence d’en percevoir la folie : « un jour cependant un matin, encore au lit, je ne sais plus si je dormais encore à moitié ou si j’étais déjà réveillé, j’eus une sensation qui à y repenser une fois tout à fait éveillé me trouble de la façon la plus étrange : c’était l’idée que tout de même ce doit être une chose singulièrement belle que d’être une femme en train de subir l’accouplement. » Au fond, quand on écoute ça on n’en devine pas la folie. Après tout, en quoi ça se distinguerait d’une fantaisie homosexuelle un peu prise dans une forme d’esthétisme. On ne voit pas où le bât blesse, à l’endroit de l’énoncé apparemment fantasmatique, c’est ça qui est intrigant. Et donc il faut avancer avec le patient, il faut écouter, il faut poursuivre et c’est dans un chapitre un peu plus tardif de ses mémoires que Schreiber évoque à nouveau cet énoncé qui pourrait a priori s’étendre et s’entendre comme une écriture tout simplement du fantasme, si ne s’ouvrait pour lui à partir de ce petit énoncé de jouissance quelque chose d’un point qui est du corps rejeté précisément à l’infini, et qui est tout le procès d’une métamorphose qui ne va plus le laisser et qu’il appelle lui-même le miracle d’éviration. C’est très intrigant : quand vous prenez l’énoncé lui-même, la topologie de l’énoncé lui-même, rien ne distingue cet énoncé d’une difficulté d’un névrotique. Sauf que dans cet énoncé, précisément touchant au corps, un point va être en quelque sorte lancé infiniment loin qui va augurer ce que Lacan appelle le processus de transsexualisation, de féminisation de Schreiber, que Schreiber appelait lui-même le processus d’éviration c’est-à-dire un point de la représentation du corps est tout d’un coup ouvert, infiniment ouvert, asymptotiquement ouvert et Schreiber va mener bagarre tout le reste de son temps pour assumer ce procès de féminisation qui lui paraît totalement scandaleux, injuste, horrible, mais que néanmoins il accomplira. C’est très intéressant : la rêverie de Schreiber : il dit « j’étais à peine endormi réveillé je ne sais plus trop ». La rêverie de Schreiber on s’en rend compte dans l’après coup n’est pas simplement l’effet d’une coupure qui en quelque sorte l’identifierait comme objet de jouissance pour un Autre. C’est pour ça que Freud parlait d’homosexualité. Il va se mettre en place à ce moment-là toute une série de transformations qu’on peut dire continues du corps qui vont toucher tout aussi bien la féminisation, mais aussi le côté de la voix et on retrouve la co-variance dont je parlais tout à l’heure. Ainsi Schreiber décrira tout au long de sa vie la dissociation des éléments de sa voix, les composants de sa voix aussi bien que les composants de l’image du corps et du regard.
On peut le dire sur un mode analytique si vous acceptez de le recevoir comme ça : la clinique du corps dans le registre de la psychose c’est l’indice de ce que la coupure produit à l’endroit où elle échoue. Et donc si vous reprenez la lecture de ce cas tout à fait paradigmatique, vous verrez chez Schreiber toutes les expressions qu’il utilise concernant la marche d’une globalisation, d’un processus continu, d’un sans cesse : ça ne s’arrête pas. Tout ce qui touche à l’étendue du corps infiniment. Processus en quelque sorte où le continu, le concept même de continu vient à dominer la texture du corps.
Il y a beaucoup d’occurrences dans le texte lui-même qui sont très intéressantes aussi bien dans le registre du regard que de la voix, que de la texture du corps, que de l’enveloppe, que de la peau par exemple, Schreiber parle de la volupté de la peau, de la volupté continue de la peau, de l’obligation la jouissance de la peau, etc. on a une multitude de phénomènes qui dans les objets pulsionnels mis en difficulté viennent à faire travailler la question du continu, de l’infini dans le corps.
Avec quelques collègues de notre association nous avions travaillé d’autres bords du réel du corps et qui touchent à la même difficulté concernant l’engendrement d’espaces et de configurations auxquels notre esprit n’est pas habitué, et nous avions par exemple travaillé dans ce qu’on appelle le délire des négations, le fameux syndrome de Cottard, où bizarrement dans des tableaux de mélancolie très profonde, la question de l’infini, du continu trouve son actualité dans ce que les classiques appelaient par exemple le délire d’immortalité, ou encore le délire d’énormité, c’est-à-dire que ce sont des patients qui nous plongent dans un embarras totalement extrême quand on les rencontre, d’ailleurs nous les rencontrons évidemment que dans les lieux hospitaliers, où les patients vous disent, mais vous savez, je veux mourir, je vous demande ma mort, je vous supplie de me tuer parce que malheureusement je suis un mort vivant, je suis immortel. Ne l’entendons le surtout pas sur un mode imaginaire métaphorique, il faut l’entendre à la lettre. Ces patients ont perdu les scansions du temps. Ils sont d’un certain point de vue effectivement immortels. Pareillement dans les délires d’énormité ces patients sont répandus dans l’univers lui-même c’est-à-dire que leur corps se collabe aux limites de l’univers comme tel.
Autre bord de notre difficulté à savoir ce qu’est un corps, les idées d’immortalité, énormité ne viennent dans le processus psychotique délirant que comme aboutissement d’un remaniement ou plutôt d’un défaut au moment où précisément l’imaginaire du corps ne parvient plus à assurer ni la distance ni l’adresse du sujet à son image, au regard de l’Autre, aux dimensions de l’espace et du temps. C’est pourquoi je me permets de vous rappeler la formule que j’utilisais de départ : nous ne savons pas ce qu’est un corps. Nous ne le savons pas, et les bords les plus robustes de la psychose comme ceux-là nous mettent devant l’obligation de le reconnaître.
Vous avez vu ce patient dont je parlais au départ, parler de ses matières : il entame la discussion par ses matières mêmes, et dans le travail que nous avions fait sur le désir des négations, notre collègue Georges Cachaud avait noté que d’autres fois souvent chez les négateurs, c’était de ces matières mêmes que dans la phase micro maniaque le malade retenait, se plaignant de ne pouvoir expulser, et que ces objets devenus énormes, devenaient comme dans la forme hypocondriaque du délire des négations des objets projetés sur le monde extérieur avec lesquels ils finissent par se fondre. C’est ça la topologie du corps de ces patients. Ce qu’ils n’arrivent pas à expulser, ce qu’ils retiennent, ce qui fait hypocondrie, est jeté sur la scène du monde et se confond avec l’univers lui-même.
Vous voyez donc à chaque question qui touchera chez l’humain à la difficulté d’une coupure, d’une césure, viendront répondre des formes d’expansion du corps, d’éjection du corps, mais là vous faisant perdre totalement la boussole de ce que nous appelons des limites. Il est difficile d’accepter ce que ces patients disent. Même quand vous les écoutez, au moment même vous avez envie d’entendre autre chose, d’inventer autre chose que ce qui vient d’être dit. Ce n’est pas facile d’accepter la façon dont ces patients parlent de ce que nous allons appeler à leur place : leur corps. J’essaie de vous situer quelque chose que j’ai relié à tort ou à raison aux formes de la modernité qui est donc le corps envisagé comme transformation continue. Le corps aujourd’hui, les techniques, les arts en quelque sorte envisagent comme la possibilité d’une transformation infinie et continue, ça fait sens dans l’univers de la psychose ça, puisque le psychotique est soumis en quelque sorte par doctrine à l’introduction au niveau de son corps des formes de l’infini actuel dans le processus de son corps lui-même. Ce qui peut nous apparaître au fond totalement paradoxal puisque nous, nous vivons en principe dans une idée de la finitude des choses. Il y a encore une difficulté concernant à la réception d’un propos qui touche à la psychose et que je vais vous donner : qui est lié à ce qu’on pourrait appeler en utilisant une métaphore du champ scientifique à la décohérence des phénomènes cliniques qui touchent à la psychose. La plupart du temps quand vous parlez d’un patient psychotique, vous allez faire l’effort pour l’interlocuteur comme je suis en train de faire, d’inscrire votre propos dans un schéma narratif. C’est-à-dire on va dire : « j’ai rencontré un tel, M. untel…, Madame une telle…, il est arrivé pour ceci…, il est hospitalisé pour cela…, et pour finir grâce au travail de je ne sais trop quelle métaphore délirante s’est amélioré et il va mieux merci… » c’est donc un propos qui a sa force de conviction et qui a le défaut de totalement inscrit dans le schéma de la causalité narrative du névrosé : nous-mêmes en permanence. Et ce que nous ne voyons pas bien, le défaut de ce schéma c’est que précisément l’intérêt de la psychose c’est de mettre en difficulté cette narration. Puisque la psychose rend compte de phénomènes que nous ne pouvons attraper de la même main, ce n’est pas possible. Si vous parlez du délirant, du délire, de la mégalomanie, de l’unification du psychotique autour d’un projet passionnel par exemple, vous pouvez le narrer tout à fait convenablement, mais au moment même, pour des raisons de structure, vous ne pourrez pas savoir la façon dont ce même patient est travaillé par les dimensions de l’objet. Ce n’est pas possible. C’est-à-dire vous ne pourrez pas en même temps le saisir côté un : côté de l’identification et du côté de l’objet, du côté de l’hypocondrie du corps, du côté de la voix hallucinatoire, du côté du regard persécutif, du côté des cénesthopathies… si vous choisissez de raconter cette clinique du côté de l’objet éventuellement, à ce moment-là pour des raisons de structures et donc d’impuissance structurale vous ne pourrez pas savoir au même moment comment ce patient vous inclut vous-même transférentiellement dans le procès délirant dont vous rendez compte.
Ces questions de méthode sont à mon sens les plus passionnantes c’est-à-dire que parlant du corps, parlant de clinique nous utilisons en quelque sorte des trucs, ce sont des trucs d’essayer de rendre compte sur des lignes unifiées de choses qui ne se prêtent pas précisément à la formalisation unique de la représentation. Ce n’est pas possible. C’est la chance de la psychose de nous y obliger, c’est pour ça que d’habitude nous n’y arrivons pas. Nous n’arrivons pas à raconter sur 20 ans, sur 30 ans, l’itinéraire d’un psychotique parce qu’évidemment nous sommes obligés de constater que chaque fois que nous pensions qu’il allait mieux il arrive ceci et vice versa, il y a toute une série de phénomènes qui rappellent à l’ordre le praticien qu’il a affaire à une clinique qui ne se plie pas à la narration et à la question du corps tel qu’il la pense ordinairement pour lui-même.
C’est la question totalement théorique, mais qu’il faut entendre sur un mode plus pragmatique dans la clinique, du Un et de l’objet. Ce ne sont pas les mêmes choses. La question du Un et la question de l’objet.
Il y a des séminaires entiers ou Lacan fait travailler par des moyens variés les différences et les liens réciproques de ces deux registres.
Paradoxalement, et je vais terminer par cet exemple clinique et là je reprends donc mon propos de départ à rebours, paradoxalement ce qu’on pourrait appeler avec Lacan le fantasme de la science, le moment de la science nous sommes concernant toutes ces questions du corps, et pas seulement la science, mais aussi les forçages de la technique puisque « on peut le faire », on peut refaire un corps, paradoxalement ce fantasme redistribue notre regard y compris sur le corps dans la psychose, car à sa manière, c’est une proposition que je souhaitais vous faire ce soir, à sa manière la modernité a mis du continu et de l’infini dans l’humain. Et pour donner des références tout à fait précises, j’avais fait quelques travaux par exemple concernant le nom d’Alan Turing le père de l’intelligence artificielle, c’est énorme dans la culture le moment de l’invention de la mémoire, ce que l’on a appelé la mémoire infinie : l’ordinateur, l’intelligence artificielle. Nous avons du côté de l’intelligence artificielle quelque chose qui a fait scansion dans l’histoire moderne, nous avons du côté de la médecine toutes les questions qui touchent au clonage, et également toutes les questions qui se profilent ainsi que, ce qui était d’ailleurs un fantasme de Turing, la reproduction hors sexe. Le fait de pouvoir se passer définitivement de la reproduction sexuée pour que l’espèce humaine continue. Et donc tous ces forçages de notre regard sur nos propres moments concernant le corps font qu’il y a beaucoup de zones où nous sommes « impuissantés », nous ne savons plus conclure cliniquement. J’aurais pu parler ce soir, mais je ne le ferai pas d’une zone qui était totalement tombée, totalement intimidée dans le regard clinique et qui était une question que nous avions beaucoup travaillée à l’initiative de Marcel Czermak et qui est tout le champ du transsexualisme par exemple, le champ du transsexualisme en 1980 quand nous avons commencé à travailler était d’ailleurs une clinique tout à fait neuve, très passionnante, très particulière, que nous avons travaillée en cliniciens tout simplement, c’est-à-dire en nous demandant qu’est-ce qu’il valait que comme ça tout d’un coup il y a des hommes et des femmes qui se déterminent dans l’image au titre du sexe opposé, et qui revendiquent auprès du social le droit de changer de sexe. Ces questions aujourd’hui sont à peine dicibles. Vous ne pouvez presque plus traiter désormais cliniquement des phénomènes comme cela, tant ils sont passés du côté du choix du citoyen, du choix individuel à son identité sexuée. Et ce qui fait que comme vous le voyez il y a beaucoup d’années maintenant qu’il n’y a plus d’intervention publique ou de congrès sur le champ du transsexualisme.
Là il s’agissait d’une patiente qui n’était pas de cet ordre, et qui était une patiente qui avait 20 ans que je rencontre dans le même hôpital où je rencontre le premier patient, et donc les collègues me proposent de la voir, on s’entretient, et c’est une patiente qui à 20 ans en était déjà à sa 16e opération de chirurgie esthétique sur le visage uniquement. Elle était hospitalisée pour une raison simple : c’est qu’elle avait déjà épuisé beaucoup de chirurgiens, et le dernier chirurgien avait refusé obstinément la 17e opération et elle s’était mise dans un état de dépressivité passionnelle qu’il avait fait hospitaliser. Donc elle était à l’hôpital psychiatrique dans un contexte de crise. Et ce qui était particulier, c’est donc l’interrogation que j’essayais d’avoir avec elle pour comprendre comment elle avait pensé depuis presque son enfance les nécessaires modifications de son apparence corporelle. Et je me suis aperçu très vite de quelque chose qui est était intéressant chez elle, c’est qu’elle reprenait scientifiquement tous les traits unaires, tous les traits d’identification des deux parts de sa filiation. Je vous expliquerai pourquoi : elle était le produit d’un métissage entre une mère africaine noire et un père médecin juif et donc ce couple s’était rencontré à l’occasion des études de cet homme dans ce pays africain. Ce qui était passionnant c’est que cette jeune fille reprenait médicalement, techniquement, tous les traits identificatoires de cette double filiation. Alors ça pouvait être du côté de la mère ce qu’elle trouvait du côté du nez par exemple : le nez trop épaté, où des formes de la joue qui n’était pas assez conforme à son idéal de beauté, où du côté du père ça pouvait être également le nez enfin ce qui dans l’imaginaire du corps est colporté des traits qui viendraient la désigner d’un côté supporter le signifiant juif et de l’autre le signifiant noir ou négroïde. Et donc c’était quand même une drôle de jeune fille qui avait pour vœu de gommer, de lisser, de faire disparaître chaque entame de ce trait identificatoire. Le plus intéressant, c’est donc qu’elle en était à sa 16e intervention, mes collègues me demandent ce que j’en pense, moi je leur dis : « mais vous savez pour vous parler d’une jeune femme comme ça, moi je suis obligé de faire appel au terme d’hypocondrie : elle a quand même un traitement de son corps qui touche à la question de l’hypocondrie », mais j’ai rencontré une vive résistance de mes collègues dans le service c’est-à-dire que mes collègues m’ont dit : « nous on ne sent pas ça comme ça », après tout elle a un propos qui n’est pas fou, c’était vrai elle s’adressait à nous sur un mode circonstancié, elle ne délirait pas, elle justifiait sa position certes sur un mode un peu curieux, mais sans que ça paraisse à nos collègues par trop paralogique, et donc petit à petit je me suis rendu compte dans ce genre d’entretiens avec mes propres amis que c’est moi-même qui perdais pied c’est-à-dire que je n’arrivais plus à trouver assez vite en moi-même les raisons qui me permettaient de qualifier pour eux la folie de cette jeune femme. Et c’est ça le point le plus intéressant.
Je vais vous lire pour finir comme je l’ai fait tout à l’heure quelques notes des propos de cette jeune femme ce qui vous permettra de juger vous-même sur pièces.
Je lui demande « pourquoi vous êtes arrivée à l’hôpital ? »
Elle me répond « c’est pour mon nez. J’essayais de faire pression sur le chirurgien plasticien, mais c’était pour mon nez. »
Je lui demande « mais enfin, depuis quand êtes-vous inquiète par la question de votre nez ? » Elle me répond « depuis l’opération sur le menton. »
C’est très intéressant lorsque je lui demande pourquoi elle est inquiète pour son nez elle me parle d’une autre partie de son corps. Cela nous renvoie au sans cesse, à l’infini, au continu qui vient tout d’un coup travailler la dimension du corps.
- Depuis l’opération sur le menton ?
- Depuis je ne me vois plus de la même manière. Et je suis une autre personne.
- Comment vous entendez cela au fond une autre personne c’est-à-dire… est-ce que vous pourriez le dire autrement, est-ce que c’est intérieurement que vous ne vous sentez plus pareille ?
- Mais vous savez ma mère est congolaise, mon père était français. Ma mère est congolaise et j’avais le menton en recul.
Vous voyez le court-circuit rapide. Ma question est et simplement de savoir si la difficulté était une représentation intime, intérieure, un malaise la concernant…, et immédiatement ce qui lui vient, ce qui est certainement juste dans sa façon de concevoir les choses, c’est ce qu’elle a chipé du trait de l’Autre contre lequel elle combat. Sa mère est congolaise et donc il faut entendre : donc — sur le mode forclusif de Descartes donc j’ai le menton en recul. Elle est congolaise avait la même morphologie que moi.
- Avant dit-elle (là c’est l’infini dans l’autre sens parce qu’avant on ne sait pas quand il s’agit) j’avais un visage très rond, j’étais hyper mignonne, depuis je ne me reconnais plus.
- Quel était le problème ? (moi j’insiste un peu bêtement)
- Ça n’allait pas de profil. Je me suis fait refaire les lèvres. La lèvre inférieure avec un produit je ne sais pas, de l’acide je crois. Je ne vous cache pas que c’était très douloureux.
- Quoi d’autre ?
- Une rhinoplastie à 16 ans : j’avais le nez fort comme ma mère, mon père m’a offert ça pour l’anniversaire de mes 16 ans.
Et là vous voyez si vous avez noté le seul terme qui est intéressant dans l’histoire du fantasme schreiberien, c’est le beau c’est l’histoire de la beauté, c’est quelque chose qui sonne bizarrement et elle, elle dit ceci qui peut s’entendre comme une banalité cela dépend comment on écoute les choses, mais dans la suite de ce qu’elle dit elle dit ceci :
- Vous savez depuis que je suis petite, j’ai envie d’être belle.
- (Moi un peu bébête je lui dis), mais vous êtes belle. Et c’est vrai que c’est une jeune fille très jolie.
- Oui merci c’est vrai je le prends comme un compliment. Mais [elle insiste] depuis quatre ans, j’ai envie d’être une beauté. [Comme les Sud-Américaines]. J’ai toujours aspiré à être super belle, sans défaut.
L’entretien se poursuit sur le même mode, comment pourrait-on qualifier ce mode ? Pas délirant au sens propre c’est-à-dire va se contenter de répondre du tac au tac à chaque fois en faisant pivoter systématiquement la question du corps lui-même c’est-à-dire en nous disant c’est de profil, c’est de dos, etc. Elle fait jouer en quelque sorte les facettes dont le regard peut scruter un corps. La plupart du temps en référant l’hypocondrie (enfin moi ce que j’appelle l’hypocondrie, mais les collègues n’étaient pas d’accord) au trait de la filiation, c’est-à-dire c’est toujours au nom du trait de filiation soit côté du signifiant juif, soit côté du signifiant noir, que les choses se sont mis en difficulté pour elle. Et tout le propos se trouve organisé sous le joug de ce jeu. Ce qui est très intéressant, c’est que pour finir, dans un service de psychiatrie parisien, cette patiente n’apparaissait pas extraordinairement malade. Les collègues étaient angoissés évidemment de la difficulté qui allait se poser à sa sortie qu’elle aille faire le pied de grue devant un énième chirurgien, mais ça ne méritait pas, semble-t-il, de qualifier ça au titre d’un processus délirant majeur, ce qui me fait vous dire, je terminerai là-dessus, qu’il est probable que bien que nous ayons notre appui, comme j’ai essayé de le signaler, sur la question du réel du corps, nous savons par la folie désigner l’impossible imaginarisation et symbolisation de cette question. Il est néanmoins probable que parce que nous sommes plongés dans le monde dans lequel nous vivons, petit à petit un certain nombre de choses qui touchent à la transformation continue de notre propre corps nous semblent peu à peu à l’évidence, logiques, normales. Et ce qui fait que probablement dans le champ de la clinique elle-même, un certain nombre de choses qui nous paraissaient à l’époque totalement typologiquement notables, vont nous apparaître aujourd’hui comme des choses quasiment normées. On ne peut pas appeler ça à mon sens quelque chose qui serait de l’ordre du sinthome, ce n’est pas une invention du patient lui-même pour se hisser à un lieu socialisé de sa folie. Moi je crois que c’est simplement le fait que notre univers sociétal peu à peu gagne des zones où des folies du corps passent comme simplement des choix possibles de l’individu. Est-ce que c’est au bénéfice de cette patiente. ? Peut-être. Si on prend telle patiente, après tout, peut-être qu’à une certaine époque on l’aurait gardé longtemps comme une patiente gravissime, là elle semble bénéficier de la complicité de notre propre regard.
Est-ce bien, est-ce moins bien ? Pareillement ?
Je laisse à votre appréciation…