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Pascale Bélot-Fourcade – L’euphorie du genre

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Texte à retrouver sur le site de l’ALI à la page dédiée au Retour sur le Séminaire d’Hiver 2022, Nos inhibitions, nos symptômes, nos angoisses, Samedi 22 et dimanche 23 janvier 2022.

On est aujourd’hui à trois à avancer sur le thème de « Faire genre », j’y ajouterai Marika Berges qui nous a accompagné dès le début. Céline Masson grâce à qui l’Observatoire « Petite Sirène.org » existe et nous donne à voir le genre à partir d’un balcon international et sans cesse actualisé mérite une mention particulière, et on peut aussi remercier Charles Melman de prendre position sur cette question avec le livre qu’il vient d’éditer avec Jean Pierre Lebrun : il fallait du courage, il fallait y aller car nous avons été, nous analystes, appelés, sollicités par tous ces discours ambiants, ces circulaires ministérielles, ces nouvelles lois comme celle, récente, sur la modification du patronyme. Charles Melman ne voulait plus s’ennuyer et j’espère aujourd’hui qu’il va baigner dans l’euphorie.

Le très amusant Preciado, alias Béatrice, nous a dit qu’il fallait « débinariser » la psychanalyse, n’être ni l’un ni l’autre, et cette hydre s’élargit en même temps qu’elle nous désigne comme des vieux réacs, et beaucoup sont tentés de défendre leur moi imaginaire pour ne pas tomber dans les fosses dites réactionnaires.

Car dans ces attaques du patriarcat, que ce soit dans ce que Charles Melman avance de la psychose sociale, modulé par Lebrun avec sa proposition des 3A (Autorité, altérité et antériorité) , l’attaque de l’idéal est majeure.

Mais curieusement, il nous est proposé simultanément aujourd’hui d’assister à une incroyable épopée de l’Homme en quête de la maîtrise de lui-même.

Cette incroyable épopée a sans doute toujours existé : Le grand Corneille en 1645 faisait dire à Auguste dans l’acte V de Cinna : « je suis maître de moi comme de tout l’univers, je le suis, je veux l’être » . La structure sociale garantissait alors à Auguste une position de maîtrise, mais en démocratie moderne chaque sujet a tendance à vouloir se prendre pour un roi, alors que le maître absolu, le maître ultime aujourd’hui c’est bien la science, même si certains d’entre nous peuvent simultanément (je ne dirai pas en même temps) défendre non sans raison que la science est politiquement neutre. Mais c’est aussi la science qui permet de vous alléger du poids de votre corps, du réel de votre corps, et de vous en rendre maître, de faire advenir un maître sans idéal.

C’est pas du nouveau, vous voyez, ce qui est nouveau c’est l’offre dans sa dimension d’utopie réelle qui est proposée à ces demandes jusqu’il y a peu sans réponses, qui repose sur les capacités faramineuses que le pauvre Auguste n’avait pas à disposition : relisez Cinna, la solution trouvé par lui avait été l’amour. Ne l’oublions pas et plus tard Rimbaud le redira : l’amour est à ré inventer. Cela semble être encore d’actualité.

Mais de son côté Olivier Rey dans son livre « Leurres et malheurs du transhumanisme » nous met en garde :

« Les promesses de la science sont autant de leurres destinés à nous faire accepter l’artificialisation croissante de nos vies ». Je rappelle l’étymologie du mot artifice qui est ruse et tromperie. Quel sera l’avenir de cette nouvelle illusion ? Nous aurons l’occasion d’en reparler.

Après avoir annoncé qu’on ne fait plus les enfants maintenant comme on les faisait dans le passé, j’avais fait il y a quelques années à Chambéry cette annonce incroyable : « la procréation est trans ». Eh bien c’est déjà dépassé ! les choses vont ou trop vite ou pas assez ! Mme Butler nous annonce dans « Défaire le genre » que la parenté est homosexuelle. Elle annonce la fin de la différence des sexes. ( Elle raconte aussi qu’avec Eric Fassin, ils ont été les acteurs de la censure violente de Sylviane Agacinski à Bordeaux qu’il a fallu exfiltrer parce qu’elle avait osé dire que le parenté était hétérosexuelle – c’est écrit dans « Défaire le genre » p 177°, ensuite elle est passé au phallus lesbien dans « Ces corps qui comptent » en 1993, la vraie concurrence !)

Donc elle écrit que la procréation serait homosexuelle, la parenté de même et que nous nous éloignons de cette hétérosexualité « nécro politique hégémonique » selon Preciado : en voilà des bonnes nouvelles, enfin des enfants vraiment moïques ! Et le symptôme, cette vieille lune, est détourné et abrasé.

Aujourd’hui je voudrais vous faire aussi une autre annonce : Le sexe n’a pas été sans avoir besoin d’un dopage, différent selon les époques et les cultures : aujourd’hui il l’a trouvé dans le genre. Comme le dit Marty, « le genre est le dernier grand message de l’occident envoyé au reste du monde ». J’en ai fait le syntôme de Mme Butler, car on ne peut pas parler comme cela. Et fort probablement demain il ira chercher pour ces mêmes raisons ce dopage dans le transhumanisme.

C’est ce que je développerai aujourd’hui : le genre comme dopage du sexe, c’est par là aujourd’hui qu’on veut retrouver jouissance et euphorie.

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