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Diane Cambon / Espagne : la loi sur la transidentité divise les féministes

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Article publié le 11 février 2021 par Marianne

Les féministes sont aux abois, la coalition gouvernementale de gauche est au bord de la scission et les conservateurs dans l’opposition prêts à dégainer contre l’exécutif. A l’origine de ce cataclysme, le projet de loi sur la transidentité qui devrait être présenté au Parlement à la mi-février.

Élaboré par le Ministère de l’Egalité, dirigé par Irene Montero, issue du parti radical de gauche Podemos, un texte de loi sur la transidentité choque depuis quelques jours les socialistes au pouvoir, lesquels sont pourtant à l’origine de nombreuses lois d’avant–garde comme le mariage homosexuel ou la PMA pour toutes. La discorde porte sur certains points précis comme l’autodétermination du genre pour les mineurs. Jusqu’ici, les citoyens espagnols majeurs pouvaient, d’après la loi en vigueur de 2007 déjà très avancée dans ce domaine social, changer de nom et de sexe sur leurs papiers d’identité sans avoir nécessairement besoin de passer par une opération chirurgicale. Il suffisait que la demande soit appuyée par un rapport médical et un examen psychologique indiquant que la personne souffre de dysphorie de genre, et qu’elle ait suivi un traitement hormonal durant au moins deux ans. Avec le nouveau texte, l’obligation du rapport médical est supprimée et toute personne dès seize ans, peut solliciter ce changement légal sans même l’autorisation des parents ou avoir accès à un traitement de blocage hormonal au début de la puberté. Autre point révolutionnaire, il sera possible aux personnes non binaires, qui ne se considèrent ni homme, ni femme de ne pas mentionner le sexe sur leur papier d’identité.

Près de 75 % des transgenres au chômage

En Espagne, on dénombre quelque 10 000 transsexuels selon la principale association Triangulo qui les représente. Marina Sanz, première femme transsexuelle professeure de Droit à l’Université de Valence, se félicite de l’ambition de la future loi, qui prend en compte les difficultés de cette population pour accéder au monde du travail. Près de 75 % des transgenres sont au chômage, la plupart des femmes transsexuelles ayant recours à la prostitution. La loi prévoit ainsi des aides fiscales pour les entreprises qui embauchent des salariés transgenres.

Pour Maria, mère d’une fille transgenre de 10 ans, cette loi est une avancée considérable :

« Le débat sur l’importance d’être majeur pour connaître son identité est totalement vain. Dès l’âge de 4 ans, on voit très bien si un enfant a un sexe qui ne correspond pas à son identité, donc plus tôt on procède au changement de genre, mieux c’est pour la santé psychologique de l’enfant ».

Guerre entre féministes

Or, définir son genre comme homme ou femme, c’est justement le point sur lequel s’opposent les féministes espagnoles. Une partie considère que le sexe biologique prime. « Ce texte ne prend pas en compte la réalité biologique et donc la catégorie juridique homme ou femme. Les droits des femmes pourraient être mis en danger », assure Angeles Alvarez, ex-député du Parti socialiste et activiste féministe.

Une mise en garde qui révolte d’autres féministes proches de Podemos, cette fois-ci. « C’est absurde de penser que les femmes vont perdre leur hégémonie dans les institutions ou des droits spécifiques si les transgenres obtiennent plus de légitimité » assure Cecilia Martin, membre de Podemos. Derrière ces divisions, certaines y voient une querelle politique entre la vielle garde féministe des socialistes et les plus jeunes représentées au sein de Podemos, qui pourraient mettre en péril la coalition gouvernementale. Une situation qui pourrait profiter à la droite qui de son côté se prépare à s’opposer en bloc contre cette nouvelle loi sociétale, dès que la gauche aura réussi à se mettre d’accord autour de cette cause.

En dehors des querelles politiques, c’est dans le domaine du sport que le texte pro transgenre a soulevé des doutes concrets. Les fédérations sportives ont mis le doigt sur la délicate question des vestiaires ou encore l’intégration des transsexuels dans des équipes féminines ou masculines d’après les seules informations figurant sur les cartes d’identité. Plusieurs sportifs de haut niveau, ont ainsi demandé que soient réalisées des analyses pour tester le taux de testostérone des sportifs comme c’est déjà le cas pour les compétitions internationales.

Diane Cambon écrit pour Marianne à propos de l’Espagne. Récemment elle a publié dans la rubrique «Polémique » du magazine : « Après la Hollande, nouveau veto en Espagne sur un traducteur pour traduire le poème d’Amanda Gorman ». A lire ici.