Contributions

Charles Melman – LA NÉVROSE DE FREUD

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A partir d’un texte de 1936 qui est la contribution de Freud à l’ouvrage publié en l’honneur de Romain Roland. Romain Roland était un écrivain de langue française populaire à l’époque, en tout cas fort connu, qui a écrit une longue série qui n’est plus lue aujourd’hui qui s’intitule, si mon souvenir est bon, « Jean-Christophe », et qui avait pour vocation de veiller sur l’union des peuples européens et en particulier sur l’amitié à entretenir entre la France et l’Allemagne. C’était donc un esprit qui oeuvrait en faveur de la constitution d’une Europe pacifiée. Il a bénéficié d’un prestige et d’une autorité évidemment inefficace comme on le sait, mais en tout cas Freud a sûrement été honoré d’être invité à contribuer à cet ouvrage parmi des signataires illustres. Il n’a pu manquer de considérer cette invitation comme une promotion, et l’entrée dans un monde qui était celui de la reconnaissance publique. Le texte qu’il envoie pour cet ouvrage, s’appelle « Trouble de mémoire sur l’Acropole ». L’Acropole, comme vous le savez, étymologiquement, c’est la ville qui est au sommet. Et voilà donc Freud, qui, à l’occasion de cet article, va se vivre comme étant propulsé au sommet du sommet. Trouble de mémoire sur l’Acropole, ce qui en allemand est écrit Errinerungsstörung, et il vaudrait mieux que cette traduction française dise avec une traduction imagée « y a de la friture sur la ligne qui branche sur la mémoire ». D’ailleurs, le terme de störung désigne la friture sur la ligne téléphonique. Et il commence cet article époustouflant, car je ne crois pas qu’il soit souvent déchiffré, en disant dans son adresse à Romain Roland, que son but, à Freud, a été de « mettre à nu les mécanismes actifs » du psychisme, et ceci à l’occasion d’observations faites en propre sur sa personne à lui, puis sur d’autres et enfin, dit Freud, « par un audacieux empiètement sur l’espèce humaine toute entière ». C’est évidemment la question. C’est évidemment la question, puisque nous ne pouvons douter à aucun moment que l’écriture d’un article théorique est forcément guidé par le savoir névrotique du sujet, et que dans la mesure où le résultat ne sera pas à proprement parler scientifique, c’est à dire universalisable effectivement, la question est de savoir ce que cet article doit au fantasme propre à l’auteur, ou bien ce qu’il doit à des relations inconscientes ayant valeur universelle, s’il en est. En tout cas, vous le voyez, ce n’est pas par caprice, ce n’est pas un hasard si Lacan a voulu que les articles de Scilicet ne soient pas signés, autrement dit, qu’ils se présentent comme détachés des préoccupations névrotiques singulières, et que d’emblée ils prétendent, ou ils essaient de se réclamer d’une écriture qui vaudrait pour tous. Pour évoquer la névrose de Freud, autrement dit le fait de savoir si son élaboration théorique relève effectivement de la singularité de son psychisme, ce que disait Jung nommément, ou bien, de savoir si effectivement ce qu’il a tracé est universalisable comme il le présente à Romain Roland, je vais me servir de trois textes.

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