María Elena Sota – Psychanalyse au Chili en état d’urgence : histoire, clinique & conflit
Journées de célébration du 30ème anniversaire de l’ICHPA [1], Santiago, novembre 2019
FRAGMENTS
Là où est le danger : grandit aussi ce qui (nous) sauve – Friedrich Hölderlin.
J’ai trois blessures : celle de la vie, celle de la mort, celle de l’amour – Miguel Hernández.
Nos véritables maîtres fondamentaux, ce sont nos patients – Marcel Czermak.
Toute historisation est une reconstruction. L’historisation du névrosé organise une cohérence dans le roman qu’il se raconte – Danièle Brillaud.
Devant ce nouveau titre pour inaugurer ces journées [2], je me suis dit : pourquoi pas ?
Notre travail, notre vie est dans le monde. Nous ne pouvions pas rester étrangers dans nos présentations, nos dires, à ce que nous sommes tous en train de vivre : ce temps bizarre, distinct de l’habituel, où nous avons du mal à nous situer dans le temps : quel jour sommes-nous ? Il nous arrive de ne pas savoir si nous sommes dans la vie que nous appelons réelle (réalité) ou bien dans un film. Il a été dit « Le Chili s’est réveillé ». Sans doute se réveiller d’une léthargie mais pour rentrer de plain-pied dans ce qui ressemble à un cauchemar face à l’angoisse qui nous assaille. Mais ce n’est pas un tout-cauchemar, il est peuplé de lumières, de couleurs. Je pense au Printemps. Tout ce mouvement social dans notre pays se déroule en plein Printemps, une poussée pleine de force verte et multicolore dans nos jardins, dans nos places, dans nos rues. Je me suis dit plus d’une fois ces derniers jours : nous sommes tellement bousculés, par moments désorientés, tellement perturbés et … la Nature elle, semble suivre son cours inexorable : les roses, les jasmins, les lis, les mauves, les dés d’or dans toutes leur splendeur. Oui, mais nous savons que nous, les humains, perturbons et mettons en danger la Nature elle-même. Cela a été mis en évidence ces jours-ci comme une dimension dont il est urgent de s’occuper. Puis, je me suis souvenue d’autres temps, de moments historiques : Paris dans ce mois de Mai du Printemps 1968, le Printemps de Prague la même année et plus récemment ce que l’on a appelé le Printemps Arabe et certainement d’autres que j’oublie ou que je ne connais pas. Les printemps et leur force de transformation, de renouveau. Qui dit Printemps, dit vie, vie en contrepoint de la mort. Cela me paraît pertinent de nous situer là.
L’histoire. Il est important de la garder à l’esprit pour qu’elle nous enseigne, pour que nous soyons un peu humbles et ne pas croire que nous avons inventé la poudre à canon ! La poudre à canon ! Les mots vont et résonnent.
Et se pose la question avec la psychanalyse : est-il possible d’apprendre ? Ou sommes-nous condamnés à répéter ? Je m’engage : je pense qu’il est possible d’apprendre mais cela demande un travail permanent, avertis que le déni peut opérer et que poussent en nous des forces antagonistes ; que le travail que suppose la relation à l’autre, l’autre en tant qu’il m’est distinct, est énorme, énorme.
En ce moment même, pour préparer ma présentation je me suis mise à lire et j’ai découvert mon ignorance – une des passions humaines, nous apprend Lacan. Mon ignorance au sujet de l’histoire même de la psychanalyse dans mon pays. J’y reviendrai plus tard.