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HÉLÈNE L’HEUILLET – LA POLITIQUE, C’EST LA POLICE

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Notre époque est souvent considérée comme celle du désenchantement, de la perte du sens et des valeurs, ou de la domination d’une rationalité gestionnaire qui aurait chassé les mythes et légendes.

Pourtant, au moins une des grandes institutions de l’État moderne contient à elle seule toute une puissance d’enchantement. La police est un jouet : il suffit d’en prononcer le nom en société pour qu’aussitôt une conversation qui s’endormait se réveille et que chacun se sente à nouveau émoustillé.

Est-ce pour cette raison que, lorsqu’il parle de la police, Lacan ajoute à deux reprises : « elle n’est pas née d’hier », ou « elle a un soutien qui ne date pas d’hier » ? Qu’il se moque, par cette imprécise précision, des slogans de mai 1968, de la découverte naïve de l’existence d’une police dans l’État, de l’accusation lancée à l’État d’être un « État policier », n’est pas à écarter. Il renverrait du même coup le discours, alors prévalent, de la politique comme « rapport de forces » à une conception policière de la politique — le militantisme — militaire dans sa racine, ayant aussi ses flics. Qu’il vise à décevoir l’appétit d’histoire, qui conduit à poser la question de la date et des conditions de conception n’est pas à exclure non plus. La police échappe en effet d’autant moins à la question qu’elle est souvent tenue pour le « monstre » du politique : à la fois face visible, montrée, de l’État, et face invisible, dissimulée dans une institution labyrinthique.

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