Jean-Louis Rinaldini – Peut-on parler de mysticisme chez Lacan ?
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À relire les textes de Lacan comme nous le faisons ici depuis plus de dix années, on est frappé et c’est ce que nous avions déjà pointé, on est frappé de constater quel recours massif Lacan opère au cours de son œuvre au phénomène mystique, et plus particulièrement aux Béguines comme Hadewijch d’Anvers ou à l’école française de spiritualité qui a occupé tout le XVIIe siècle à la suite du cardinal de Bérulle.
Cette école de spiritualité, à la suite du vacillement baroque qui voit Dieu s’éloigner dans l’infini lointain du ciel (j’y reviendrai), cette école de spiritualité met en scène en effet une mystique du pur amour qui trouve une double source à la fois dans l’œuvre platonicienne et à la fois dans les exemples de Thérèse d’Avila et de Jean de La Croix. On va le voir Lacan s’en est inspiré tant et plus, tout au long de son œuvre, singulièrement il est vrai dans le séminaire XX, Encore mais dans d’autres et également dans le séminaire qui nous occupe cette année, D’un autre à l’Autre où entre autre la question de la consistance à donner à ce grand Autre est mise en travail. Je me propose de chercher ici à comprendre pourquoi un tel recours et comment, à travers la mystique, Lacan tente de cerner à la fois ce qu’il appelle « l’objet petit a » et l’inconnaissabilité du Réel qui serait au fondement de toute connaissance possible. Ce que je vais tenter de développer c’est que le recours de Lacan à la pensée mystique participe pour lui d’une exigence de radicalité dans la définition de l’altérité, de radicalité dans l’ordre de la jouissance. Même si Lacan ne s’en explique pas toujours, comment cela peut-il ou non nous donner un aperçu sur ce qui est le psychisme, sur ce qui est la direction de la cure analytique, sur ce qui est la fonction même du signifiant et comment y a-t-il comme une sorte de perte de l’homme, comment retrouve-t-on peut-être les clefs de l’antihumanisme de Lacan et comment peut-on établir le rapprochement entre ce qui est le cœur le plus pur de l’expérience mystique et cet antihumanisme c’est-à-dire ce dépassement de l’homme dans quelque chose qui est du domaine de l’Autre dans ce qui est du domaine du Réel.