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Delphine Horvilleur-Omar Guerrero / Rencontre sur « l’écoute »

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Publié et à retrouver sur le site de l’ALI. Rencontre entre Delphine Horvilleur femme rabbin française  et Omar Guerrero psychanalyste vice-président de l’ALI, sur la question de l’écoute.  Vidéo complète au bas de la page.
Transcription d’un court extrait de l’intervention de Delphine Horvilleur.

… [Merci de me poser cette question, mais je ne suis pas sûre de savoir y répondre. Mais c’est peut-être aussi un premier point commun entre les psychanalystes et les rabbins, c’est que les rabbins ne sont pas très bons pour les réponses, mais beaucoup plus pour les questions ou pour les susciter.

Je me rends compte que c’est un élément de réponse à votre question, c’est que quand j’écoute je n’essaie pas de trouver une réponse. C’est-à-dire que souvent les gens viennent me voir avec des questions. Mais en fait, je ne suis pas du tout dans l’état d’esprit ou l’idée que je dois leur apporter une réponse. Très souvent j’écoute ce que me dit la personne. Et j’essaie de reformuler ce qu’elle me dit, c’est-à-dire que je je me rends compte que dans mon écoute, j’ai intégré une donnée. C’est que je crois qu’il n’y a pas de plus grande distance au monde que celle qui sépare la bouche de quelqu’un de son oreille.

C’est à dire que je crois que quand quelqu’un me dit quelque chose, je pars du principe très souvent que lui-même ne l’entend pas. Il me dit quelque chose qu’il n’a pas nécessairement entendu. Et donc très souvent je me rends compte que ma fonction consiste à écouter ce qu’il dit, à reconnaître dans un premier temps, que ce que j’entends n’est peut-être pas exactement ce qu’il dit, mais en tout cas à tenter de formuler ou reformuler ce qu’il m’a dit pour que peut être lui, l’entende en fait. Et très souvent je me rends compte que je suis dans une espèce de voyage. Entre la bouche et l’oreille. C’est-à-dire entre la bouche de l’autre et mon oreille. Entre ma bouche et son oreille, il y a quelque chose de l’ordre d’un voyage dans cette écoute, voilà, c’est le premier élément de réponse.

Le 2e élément de réponse, c’est que je crois profondément aux malentendus, c’est-à-dire que je crois que toute relation, pas seulement avec un psychanalyste, un rabbin, un médecin ou que sais-je encore, mais toute relation est faite de malentendus, c’est-à-dire qu’on ne fait que malentendre. Et de devoir de tenter de clarifier ce que l’autre a voulu dire et pourquoi on ne l’a pas entendu exactement comme il a voulu le dire. Est-ce que c’est le problème de sa bouche ou est-ce que c’est le problème de notre oreille ? Ça dépend. Parfois c’est les 2. Mais je crois que voilà, toute relation est faite d’un malentendu, de quelque chose qui n’est pas explicite dans la conversation. Et que le langage permet ça, le langage est quelque chose de tellement subtil et complexe que les mots peuvent toujours vouloir dire autre chose. Qu’on en soit conscient ou qu’on n’en soit pas conscients. Et donc ce cette possibilité du dérapage de sens, du déraillement de sens est ce qui permet la relation.

C’est-à-dire que je crois que la seule raison pour laquelle on se parle, c’est qu’on n’est jamais complètement sûr que l’autre comprend ce qu’on veut dire, que l’autre nous comprend ou comprend ce qu’on veut dire. Et donc ce décalage de sens, je pense, fait partie de mon écoute et d’une certaine manière, est nourri de ma pensée religieuse parce qu’au cœur du judaïsme et de la lecture juive des textes il y a cette idée du malentendu ou du mal lu, c’est-à-dire que le texte ne veut jamais rien dire. Ou plutôt le texte peut dire quelque chose et peut dire autre chose. Mais en fait, je vais pouvoir moi lui faire dire plein de choses à partir de ce qu’on lui a fait dire et non pas à partir de ce qu’il a voulu dire. En fait voilà, c’est sur un rapport au texte et donc au mot qui est un rapport de possible malentendu.]

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