Contributions

Guy Briole / Quelle paix après la guerre ?

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Texte traduit de l’espagnol. *Conférence Le traumatisme d’un peuple. Quelle paix après la guerre ?, prononcé à l’Université de Rosario à Bogotá, le 8 septembre 2017. A retrouver sur le site « EL PSICOANÁLISIS » numéro 34. Illustration : La guerre Pablo Picasso. Chapelle romane désacralisée du château de Vallauris. 

Puisque le passé n’éclaire plus l’avenir,

L’esprit marche dans les ténèbres[1]

Alexis de Tocqueville

Les guerres ne sont plus mondiales ; c’est le monde qui est en guerre partout. Il est en guerre sans interruption, traversé par la contamination d’une vague qui veut purifier et sauver, et qui s’étend, portant de plus en plus la marque du religieux, du trait racial, de la différence des appartenances. Comment, dans cette dérive du monde, ne pas reconnaître le prolongement de ce que Jacques Lacan a identifié, au sortir de la guerre en septembre 1945, comme une dissolution du sens moral ? L’ignominie située au cœur de la vieille Europe et l’horreur d’Hiroshima ont laissé les hommes abasourdis et incapables de parler de ce traumatisme impensable.

Ils sont restés silencieux pour survivre, satisfaisant le besoin de réconciliations apparentes, laissant la haine intacte, profonde, brûlante, contenue dans leurs refuges imaginaires.

Dans cette « ignorance systématique du monde », Lacan a reconnu « ces mêmes modes de défense que l’individu utilise dans la névrose contre son angoisse, et avec un succès non moins ambigu, paradoxalement efficace aussi, et qui scellent de la même manière, hélas, un destin qui se transmet à travers les générations ».[2]

Ce qui est transmis

Dans la génération d’après-guerre, presque tous les citoyens d’un pays — hommes, femmes et enfants — sont des survivants ou des descendants de ceux qui ont survécu aux guerres qui ont ravagé leur pays.

En Europe, il est essentiel de dire que pour ceux qui ont été touchés par la guerre de 1939 à 1945, les traces étaient déjà là avant : du carnage de 1914 à 1918, pour les Européens ; des massacres qui ont culminé entre 1915 et 1918, pour les Arméniens ; des guerres coloniales ; des guerres civiles qui ont conduit à l’instauration de dictatures dévastatrices pour le lien social.

Avec la guerre en Espagne, les civils voient la guerre arriver chez eux. Les villes sont les nouveaux champs de bataille. Plus tard, ce sont Dresde, Hambourg et Berlin qui furent détruites, puis Beyrouth, et aujourd’hui encore, Alep, Palmyre, Raqqa, etc.

Martha Gellhorn, dans un de ses rapports — écrit en novembre 1938 — commence par cette phrase surprenante et anachronique : « À Barcelone, le temps était splendide pour les bombardements. »[3] Cette phrase, si profondément absurde, met très bien en évidence comment cette guerre a marqué un changement radical dans les guerres ; particulièrement après la Première Guerre mondiale, lorsqu’il y avait un front bien défini : des soldats sur ce front, des civils à l’arrière.

Dans ces guerres, le temps se réduit, l’espace se compacte et la distinction entre les frontières devient de plus en plus complexe. Le doute s’installe parmi les voisins, les amis d’hier et les proches des familles déchirées.

On peut en signaler un, tué au coin de la rue. Il s’agit, dit Martha Gellhorn, « d’une guerre ouverte, intime » :[4]  la contingence pour tous, la proximité, l’intimité sont alors des signifiants de la guerre. Mais il y a plus encore, la guerre logée au centre d’une ville, d’une famille, de ce qui rassemble les individus, tue, détruit, dévaste tout, comme les bombes, de manière « indiscriminée ».[5]  Le cauchemar de l’identité de soi dans l’autre s’empare de chacun : l’identité se fige dans l’arbitraire, l’altérité devient mortelle.

L’après-guerre n’a pas manqué de produire, parmi les conséquences de la guerre froide, la haine qui s’infiltre dans un peuple soumis lorsqu’une idéologie le maintient sous son joug.

La même chose s’est produite en Amérique latine, lorsque les dictatures les plus féroces ont conduit les pays au chaos ; et les intérêts excessifs des forces capitalistes n’ont eu aucune retenue ni honte à soutenir la lutte implacable entre les citoyens d’un même pays, qui génère une guerre civile.

Partout dans le monde, comme nous l’avons souligné, ces plaies ouvertes saignent du sang de la folie des hommes qui ne peuvent renoncer à se détruire les uns les autres.

Aujourd’hui, ce sont les fils et les filles, les petits-enfants ou les arrière-petits-enfants qui portent ces blessures, encore ouvertes pour beaucoup : ce sont des survivants faits des lambeaux de la guerre. Même si tous ceux qui ont vécu la guerre, la torture, le déni d’eux-mêmes ou de leur peuple ont eu du mal à parler de l’horreur qu’ils ont vécue psychologiquement et physiquement, quelque chose de ces histoires a été transmis malgré tout.

Ce n’est donc pas sans mal – parfois malgré leur obstination à se taire ou même face à cette part impossible à communiquer — qu’une transmission a été faite, par ceux qui sont revenus de ces enfers et pour qui la réduction du corps à ce qui reste de vie s’apparenterait à une maladie incurable. Les enfants d’un survivant avaient inventé un nom pour cette maladie incurable ; quand son père se repliait sur lui-même, on disait qu’il « avait le champ libre ».[6] 

Ce qui est incurable, comme traumatisme, c’est aussi ce qui a pu être vécu comme effacement et qui consiste à avoir été nié, effacé en tant que personne au nom d’une religion, d’une race, réduit au rang de déchet à éliminer.

Réconciliation

C’est toujours une question très difficile à aborder et à laquelle on ne peut pas, pourrait-on dire, répondre de manière définitive.

L’histoire et l’expérience montrent — ​​partout et toujours, pourrait-on dire à ce stade — que, quel que soit le travail effectué — dans une société, dans un groupe, dans un pays après une guerre, une dictature, une guerre civile, une période de séparation qui les a affectés de manière brutale, sauvage, etc. — les modalités adoptées en chaque lieu ont eu des conséquences que souvent on ne pouvait pas prévoir.

Il est important de souligner qu’en plus des décisions des États, il y a aussi des enjeux personnels de chaque sujet, qui peuvent se rencontrer, se croiser, se séparer, s’opposer…

Dans la Grèce antique, on trouve un premier épisode d’amnistie générale. Elle fut promulguée par Thrasybule, vainqueur des Trente Tyrans qui, alors qu’ils gouvernaient Athènes en 404 av. J.-C., se livrèrent à toutes sortes d’excès. Une fois vaincus, ils sont autorisés, afin de hâter la fin de la guerre, à se retirer à Éleusis, une ville située à environ 20 kilomètres d’Athènes. Là, un mot est inventé, l’amnistie, qui contient à la fois l’idée de pardon et celle d’oubli. C’est de cela qu’ils bénéficient et personne ne le remet en question ; la démocratie est rétablie dans le pays.

Par la suite, c’est le traité de paix, signé entre les États belligérants, qui réglemente le sort des participants, à travers une amnistie générale, accompagnée de l’impossibilité de poursuivre quiconque pour les crimes commis pendant les conflits.

Avec le Premier conflit mondial, la question des criminels de guerre et de la possibilité de les soumettre aux juridictions pénales nationales et internationales s’est posée. De nombreuses juridictions sont alors créées pour être, pour ainsi dire, non fonctionnelles.

Au contraire, les procès de Nuremberg, de novembre 1945 à octobre 1946, sont exemplaires par le type de procédure qui fut suivie sans souplesse jusqu’à son terme. Outre le fait de poursuivre les criminels de guerre nazis, les règles fondamentales régissant ces procès ont été établies à Nuremberg. Cela reste valable aujourd’hui pour une grande partie des considérations judiciaires et de la responsabilité des criminels de guerre.

Arrêtons-nous un instant sur la France et sur ce qui s’est passé pendant la Seconde Guerre mondiale. En juin 1944, sous la présidence du général de Gaulle, le premier Gouvernement provisoire de la République française (GRPF) est constitué et les premières ordonnances rétablissent la légalité républicaine dans le pays. Ils envisageaient principalement la création de tribunaux — la Cour de justice et les chambres civiques — qui feraient respecter la légalisation de la purge d’après-guerre, qui, laissée à des règlements de comptes sommaires et sans procès, avait déjà vu quelque dix mille exécutions. Cette purge extrajudiciaire a suscité du ressentiment et provoqué des réactions violentes, allant parfois jusqu’à justifier les collaborateurs, à leur donner des arguments. Quoi qu’il en soit, la population française, hormis ceux qui se livraient à une vengeance sanglante, restait divisée sur les méthodes barbares alimentées par ce qu’on appelait la « légende noire » de la purge.

Devant la menace d’un élargissement de la fracture du pays, de Gaulle fait voter une première loi d’amnistie qui exclut de la condamnation « ceux qui ont obéi aux ordres et n’ont pas pris d’initiatives ». Au cours des années suivantes, d’autres lois d’amnistie ont été étendues à des crimes ou délits plus complexes en termes d’implication des individus. Les tribunaux prononcèrent un nombre considérable de condamnations, et de Gaulle, par son pouvoir de clémence, accorda l’amnistie à un grand nombre d’entre eux. Sauveur de la nation après Londres, de Gaulle assume personnellement la nécessité urgente de restaurer l’unité.

Bien que cette mesure ait été suivie à l’échelle nationale, elle n’a pas guéri les blessures de tout le monde ; de plus, nous avons dû apprendre, au quotidien, à vivre avec les ennemis d’hier.

Pour quelqu’un qui ne l’a pas vécu, on ne peut pas imaginer ce que cela signifie de se retrouver dans les lieux publics d’une ville, d’une petite cité, avec ceux qui ont collaboré avec l’ennemi et qui vous ont dénoncé à la Gestapo ou à la police d’un dictateur, et qui sont là en jouissant des mêmes droits que vous, en affichant parfois une certaine arrogance. Ainsi, et ce n’est pas le moindre des paradoxes, ce sont souvent ceux qui ont dû subir ces violences qui se retirent. Même au cimetière, la proximité continue, pour toujours.

Peu de choses ont été transmises clairement aux générations suivantes. Pourquoi était-on appelé péjorativement « le boche » ? Sa mère l’avait probablement conçu avec un soldat allemand — mais on ne peut pas le dire ! Les enfants ont dû deviner beaucoup de choses, au-delà d’une omerta complice.

Disons que cela ne pousse pas à un rapprochement ni à une réflexion sur la paix après la guerre. Même l’État français a dû juger un certain nombre de personnalités dès la fin de la guerre. Le cas le plus flagrant fut celui du maréchal Pétain, jugé en 1945 par une cour supérieure de justice et déclaré indigne national ; il fut condamné à mort, peine commuée par le général de Gaulle en réclusion à perpétuité, et il mourut emprisonné à l’île d’Yeu. D’autres, ministres et hauts fonctionnaires de Vichy, furent condamnés à la réclusion à perpétuité et certains furent condamnés à mort et exécutés (Pierre Laval, Joseph Darnand, etc.). Pour d’autres, le passé a été masqué par des emplois dans les hautes sphères de l’administration, où ils ont démontré leur diligence et leur savoir-faire. Ce fut le cas de Maurice Papon, qui ne fut jugé qu’en 1998 pour complicité de crime contre l’humanité, pour sa responsabilité dans la déportation de 1 600 juifs de Bordeaux entre 1942 et 1944.

Sur le consensus

Le consensus est pour tout le monde, contrairement à ce que pensent certains, qui ne parviennent jamais à satisfaire personne. Le consensus est ce qui fait taire, mais il n’enlève ni le souvenir ni la douleur. Lorsqu’un accord est proposé à chaque partie, ce qui a été proposé à l’autre est toujours remis en question.

Il s’avère que la transition vers la paix doit, pour être politiquement durable, être idéalisée, afin que le processus d’unification soit soutenu. Cela implique de nombreux réajustements de l’histoire récente, interprétée par certains comme par d’autres, à travers des mensonges qui prennent valeur de vérité, des mythes qui glorifient les bourreaux et d’autres qui dévalorisent les victimes.

Ce processus conduirait au « nivellement des protagonistes », autre nom du consensus : chacun aurait souffert et fait souffrir les autres ! C’est là que s’établirait le « discours gris » : personne ne serait véritablement entièrement coupable, ni entièrement innocent ; tout le monde aurait les mains tachées de sang, de sang fraternel ! Alors pourquoi s’embêter à essayer de donner une cohérence au bien et au mal, aux bourreaux et aux héros ?[7] 

Dans cette temporalité, l’absence de violence et de conflit, nécessaire au processus, est fallacieusement reprise comme l’un des arguments de l’exemplarité et du bien-fondé du chemin choisi.

Les bourreaux s’en sortent alors indemnes et les victimes sont indemnisées selon un pretium doloris, qui n’est rien d’autre qu’une injonction à ne plus s’exprimer, puisque la mémoire de l’époque passée est considérée comme officiellement établie. Ainsi, en cette période de transition, il ne faut pas non plus toucher aux symboles qui peuvent évoquer l’un ou l’autre camp, l’argument tordu étant de ne pas effacer des éléments — des témoignages de l’histoire — alors que ce qui est réellement en jeu n’est pas de « blesser les sentiments » et de ne pas alimenter de nouvelles divisions. On demande toujours aux victimes de pardonner !

L’étape suivante consiste à « archiver » le passé au nom de l’unité fondamentale de demain. Une véritable autocensure est exigée de chacun. Viennent ensuite les lois d’amnistie, où, une fois encore, ce sont les victimes qui sont invitées à faire preuve de clémence envers leurs bourreaux.

L’« amnistie » ne peut être pensée qu’avec l’« amnésie » et ajoute une fausse reconstruction de la mémoire historique. Ainsi, les gens conservent leurs blessures internes, qui restent ouvertes sous la peau rapidement cicatrisée sur des plaies engourdies. C’est une société qui porte en elle les germes de nouvelles divisions pour un avenir qui ne peut qu’aller vers le pire. Car l’amnésie générale ou collective ne recouvrira jamais la mémoire individuelle, et le pardon n’est rien d’autre que l’envers d’une haine inextinguible.

La mémoire est outragée, non pas à cause de l’amnésie, mais parce qu’elle a été altérée et officialisée par des amnisties mutuelles et négociées. Fréquemment, des demandes de grâce purement formelles, formulées par des personnes ayant soutenu des régimes dictatoriaux ou la guerre civile, sont négociées en échange de réductions de peine.

Il reste à se faufiler dans le giron de ce groupe de fraternité retrouvée, en désignant, hors de la communauté d’appartenance, un pays, un responsable qui aurait poussé au pire.

Ainsi, Joseph de Maistre, dans son texte Lumières sur les sacrifices, affirmait que « du coupable à l’ennemi, il n’y avait qu’un pas ; chaque « ennemi » était « coupable » et plus encore, malheureusement, chaque « étranger » était un « ennemi » lorsqu’il fallait faire des victimes.[8] 

Le mal est sorti, l’amour idéal de la patrie est retrouvé !

La responsabilité de chacun

Une paix durable ne peut pas se fonder sur l’ignorance des enjeux des temps troublés ni sur l’effacement de la mémoire ou la subversion du passé.

L’homme est invariablement animé d’une pulsion de destruction qui vise toujours un autre être humain, et ce n’est pas le moindre des paradoxes pour qui ne prend pas en compte ce que Freud et Lacan ont mis en lumière sur cette question. L’homme n’est jamais en paix avec ses pulsions ni avec ses semblables, même les plus intimes.

Chaque fois que le passé est publiquement oublié au nom de la réconciliation, les cicatrices de la guerre ne peuvent pas guérir et le traumatisme ne peut jamais être surmonté. L’argument de la fraternité s’infiltre toujours dans l’idée de réconciliation ; mais très précisément ce que nous savons en psychanalyse, c’est que cette fraternité est au cœur même de ce qui fait que les hommes se font la guerre.

J’ai toujours soutenu que, dans un certain sens, toutes les guerres sont des guerres civiles. C’est toujours un autre soi qui est tué dans la guerre, un frère. C’est le cri qu’Henry Dunant, le fondateur de la Croix-Rouge, lançait à Solférino, sur le champ de bataille de la terrible bataille qui fit en une seule journée, le 24 juin 1859, quarante mille morts et blessés : Tutti fratelli ! C’est aussi le sujet du remarquable film de François Ozon, Frantz.

La guerre a une cause profonde qui a à voir avec l’altérité.[9]  Lacan a insisté sur le rapport initial de tout sujet avec un Autre primordial, celui du « savoir paranoïaque » du monde.[10]  Au-delà de cette confrontation, le sujet peut arriver à exister en surmontant la radicalité du « toi ou moi » permanent d’une guerre, où l’existence de l’un ou de l’autre est en jeu.[11]  Ainsi, ce qui engendre l’instinct de mort freudien, « la violence du meurtre imaginaire de son frère », persiste dans l’inconscient.[12] 

Mais il y a toujours cette volonté de concevoir un espace de fraternité où, à nouveau, il serait possible de tout partager — car remettre en question et lever le voile sur ce que contient cet espace risque de raviver les tensions et d’ouvrir la porte à de nouvelles guerres. C’est le piège, le choix forcé qui accule la victime : se taire pour ne pas être tenue responsable du retour du pire !

L’idée dominante — et pourtant pas encore respectée partout — est celle de la responsabilité individuelle, et ses corollaires sont les amnisties et l’impunité qui, malheureusement, arrivent quelques années plus tard.

L’homme a peu de mémoire de l’Histoire ; est oublieux. Il garde confiance dans l’affirmation du repentir, il veut croire à son propre repentir, alors que, dans le miroir, il ne peut rien voir de lui-même dans ce mauvais autre. L’homme est fait à l’image de l’homme, et c’est son drame lorsqu’il découvre que cet autre bourreau qui le maltraite est fait de la même étoffe que lui. Comment, dans ces situations, peut-on s’affirmer comme homme quand ce qui est présenté est : « Je suis semblable à celui qu’en le fondant comme homme, j’ai trouvé pour me reconnaître comme tel » ?[13] 

Obéissance et responsabilité

Lors du procès de Nuremberg, le 4 décembre 1945, l’idée fut adoptée selon laquelle l’obéissance militaire est au cœur du fonctionnement d’une armée. Cependant, l’obéissance ne justifie pas que quiconque commette des crimes ou des actes injustifiables, même si l’ordre a été donné. « Il arrive un moment où un être humain doit refuser d’obéir à son patron, s’il doit aussi obéir à sa conscience. Même un simple soldat servant dans les rangs de l’armée de son pays n’est pas obligé d’obéir à des ordres illégaux.[14]  La rédaction finale et consensuelle du texte était la suivante : « Le fait d’avoir agi sous l’ordre de son gouvernement ou de celui d’un supérieur hiérarchique ne dégage pas [l’agent] de sa responsabilité s’il a eu la faculté morale de choisir. »[15]  Il s’agit là de la facultas résistendi, cette faculté de résistance dont il semblerait que l’on veuille affranchir les subordonnés, pour la réserver au discernement des décideurs. La tromperie est donc double : du côté décisif, ce n’est pas lui qui a commis le crime ; Du côté de l’exécuteur testamentaire, il ne serait pas véritablement conscient de ce que contenaient ses actes. Vercors, rappelant Macbeth, souligne que chacun « sent ses crimes secrets lui coller aux mains »[16], mais sent aussi qu’ils se détachent pour retomber sur l’autre.

L’intérêt supérieur de la nation, le patriotisme exalté, se mêlent au mépris de celui qui commande envers ceux qui lui obéissent, surtout parce que « ceux à qui il commande obéissent par crainte et non par amour ».[17]  Ce patron, celui qui n’éprouve plus d’amour pour les siens, est un « misérable mannequin ».[18]  Le cynisme convient à ceux qui commandent à ceux dont l’obéissance passive et la stricte soumission permettent de commettre des exactions à grande échelle. Plus rien ne s’oppose désormais à l’horreur d’un plaisir addictif qui fait souffrir et torturer, tant physiquement que moralement, celui qu’il désigne, celui qu’il désigne, livré à la violence morbide de celui qui se sent justifié de l’exercer. Aucune formation n’est requise pour cela.

Impunité

Prétendre que la « réconciliation » se ferait au prix de l’impunité est la plus grande erreur sur le chemin de la paix.

Pour une société — ce nœud fragile de parlêtres dans un même espace — la réconciliation est le prix à payer pour mettre une limite à l’horreur que nous avons pu vivre. Il s’agit de rechercher un avenir commun, en évitant les positions binaires stigmatisantes : la radicalité du mal pour certains, la solitude de la douleur des victimes pour d’autres.

Le devoir de mémoire doit nous éloigner de l’oubli, mais aussi nous rappeler qu’à la fin des hostilités, il s’agit de couvrir l’impunité, parfois en punissant, pour donner l’exemple ! C’est comme si l’exécution rapide — aussi stigmatisée que médiatisée — de quelques personnalités ou criminels de premier plan couvrait d’un voile toute l’impunité qui reste à effacer, une à une, des masses rendues anonymes.

La deuxième erreur de lecture serait de penser que l’impunité ne concerne que ceux qui sont du côté des vaincus.[19]  Les exactions en miroir commises par les résistants, les opprimés organisés en groupes de représailles, doivent être prises en considération pour savoir ce qui a pu les légitimer. Il faut dire que c’est une question délicate et qu’en France, par exemple, il n’y a jamais eu de persécutions contre des résistants.

Une autre erreur serait, au nom de la confirmation que l’acte inhumain a été commis par des êtres humains, d’envoyer chacun, le bourreau et la victime, dos à dos, dans la spirale de la violence. Il y a l’impunité légale, qui peut être instaurée par un État, et il y en a une autre qui reste intime à chaque sujet. Aucune loi ne peut apporter un quelconque apaisement à cette dimension subjective.

L’évolution de l’idée du « devoir de mémoire » vers celle du « devoir de savoir » vient entraver l’impunité ; il ne s’agit pas seulement de se souvenir, mais d’avancer vers la vérité.[20] 

La recherche de la vérité, le désir de savoir, déplacent les enjeux de l’impunité. En Afrique du Sud, le dialogue entre les communautés a été rétabli après l’apartheid en 1995 grâce aux Commissions vérité et réconciliation. Elles ont été d’une importance décisive, car elles n’ont pas reculé devant le fait de pouvoir dire les choses les plus douloureuses ; aucune des deux parties n’a refusé de se rapprocher le plus possible de ce qui s’était passé.

Le temps n’efface ni n’altère la mémoire traumatique. Le temps judiciaire ne coïncide pas avec le temps subjectif. Il n’y a aucun chevauchement entre eux. C’est l’un des obstacles auxquels sont confrontés de nombreux gouvernements lorsqu’ils tentent de trouver des dispositions pénales pour ceux qui ont été reconnus coupables de crimes, y compris de crimes contre l’humanité. En fait, il n’y a pas de temporalité pour l’impunité. L’alternative est la « sentence juste », qui peut être prononcée par une juridiction étatique et appliquée selon les règles en vigueur, au moment où elles ont été acceptées comme telles par les deux parties. Chaque société, comme le développe Lacan, prévoit dans le « rapport du crime à la loi » une punition. Mais le point décisif est la nécessité impérative d’un « consentement subjectif »[21]  pour que la punition elle-même acquière un sens. Ce « consentement subjectif » concerne toutes les parties présentes.

Ainsi, la décision de la Cour suprême de justice d’Argentine du 3 mai 2017, concernant la loi « deux pour un » pour les personnes condamnées pour crimes contre l’humanité, a provoqué de vives protestations nationales et internationales. Cette décision, qui permet aux accusés, une fois qu’ils ont purgé deux ans de détention provisoire, de réduire leur peine d’un jour pour chaque jour passé en prison, jusqu’à leur jugement et leur condamnation, a été très mal accueillie. Les victimes ont vu l’État choisir une politique de « perte de mémoire » et d’oubli. Les blessures sont toujours là, prêtes à se rouvrir dès que la clémence envers les bourreaux prendra la marque de l’arbitraire.

Plaisir effréné, folie de la guerre[22]

C’est un point que j’ai développé dans une conférence donnée il y a un an au Mexique, intitulée Le corps de l’ennemi,[23] où j’ai souligné comment la guerre est ce contexte dans lequel le pire de l’homme peut se déchaîner contre son prochain. Ravageant et dévastant souvent le corps dudit ennemi par des actes barbares, souvent de nature sexuelle. Les exemples de ces épidémies incontrôlables sont nombreux et la liste de ces actes est interminable. Le professeur Albert Bandura de l’université de Stanford leur a donné un nom, presque une loi : le désengagement moral,[24]le « désengagement du sens moral ». Nous l’avons plutôt considéré comme un temps de déconnexion du symbolique, où « le réel comme tel, le poids du réel » devient présent,[25] tout le poids d’une réalité déchaînée qui, cependant, ne libère pas le sujet de la responsabilité de ses actes. Ces actes, particulièrement dévastateurs pour un peuple, ne doivent pas être dissimulés sous le terme d’« actes de guerre », mais doivent être portés devant les tribunaux et un procès doit être organisé pour faire toute la lumière sur ce qui s’est passé.

 L’impunité du soldat ordinaire et la honte

Dans cet ordre d’idées, mais à l’opposé, il faut prendre en considération ce qui arrive aux soldats qui accomplissent leur mission dans le respect de la Convention de Genève. « Les secrets que l’on se cache sont les plus lourds à porter » — c’est ce que Kevin Powers fait dire à l’un des personnages de son célèbre livre, Yellow Birds[26]écrit après avoir passé deux ans dans l’enfer de l’Irak « libéré » ! — . Ces secrets sont d’autant plus pesants que personne ne veut entendre ce qu’ils ont à dire. Tous les peuples entretiennent cette ambivalence à l’égard de leurs armées. On célèbre les militaires quand cela est nécessaire à la protection du pays et de ses intérêts dans le monde, et on les stigmatise en localisant en eux le pire de ce qui existe au fond de chaque être humain. Ces soldats sont alors accusés d’avoir éprouvé, dans la mort donnée, un plaisir d’autant plus malsain qu’il est empreint d’impunité : à la guerre, on tue légalement ! Si on leur a confié cette tâche pour que le pays reste à sa place, et qu’on les a récompensés pour ce service rendu, c’est uniquement pour qu’ils restent ensuite silencieux ! Qu’ils règlent leurs humeurs dans leurs casernes et entre eux, sans troubler la conscience nationale ! À ce manque s’ajoute parfois la honte qui pèse sur eux, lorsque la nation ne parvient pas à s’accommoder de la guerre qu’elle a déclarée sous la bannière de la morale.

Il en a toujours été ainsi : on célèbre les morts et on laisse la honte et la culpabilité à ceux qui, après avoir combattu, ont néanmoins sauvé leur peau.

L’obscurcissement est tel que nous ne nous rendons même pas compte que nous avons fusionné dans un même groupe des soldats, des victimes de guerre et des déportés des camps. Certains seront accusés de plaisirs innommables (massacres, tortures, viols, etc.) et d’autres d’avoir probablement joué leur propre jeu, d’avoir survécu là où tant d’autres ont péri. Il sera demandé à chacun de ne pas ajouter au chaos social, politique et policier le chaos de son mal-être suite à la rencontre traumatisante. Qu’ils occupent la place qui leur est réservée et ne troublent pas la conscience collective : celle de l’ancien combattant, celle de la victime.

La juste place et la considération des victimes

De tout ce que nous avons pu dire jusqu’à présent, on constate qu’il est difficile de définir à l’avance qui sera ou ne sera pas considéré comme victime d’un conflit. Il arrive — et cela peut être choquant — que ces victimes se trouvent sur différents côtés du jeu. Ce respect mutuel de la souffrance n’a rien d’angélique ; cela peut être un point de départ pour une discussion ouverte, où l’enjeu n’est pas d’effacer les actions de chacun.

Victimes et familles

La récupération des corps par les familles, après leur identification, constitue une étape décisive dans un processus de paix. Notons que ce point est tout aussi important pour chacune des parties qui auraient pu s’affronter. La « fosse commune » est l’une des méthodes utilisées dans les crimes de génocide et les dictatures. Ce fut également le cas dans l’après-guerre, pendant la période des purges. Quel que soit votre camp, un corps dans une fosse commune n’est pas dans une tombe. C’est la « disparition de ce corps dans la masse des autres corps ».[27]  C’est un corps qui ne peut plus être compté dans sa singularité, c’est l’annulation de son appartenance et de ce qu’il représente. C’est son annulation comme singularité. L’ouverture de ces fosses communes vise à établir une comptabilité des cadavres qui leur redonnerait une dépossession digne et une sépulture avec leur identification.[28]  Ne pas répondre à ces demandes légitimes aggrave les tensions, rend impossible la compréhension mutuelle et relève de la lâcheté politique, surtout dans la mesure où les méthodes scientifiques actuelles permettent des identifications.

C’est une question qui ravive toujours, de la manière la plus extrême, ce qui dans une nation les a rendus possibles — on se souviendra en Espagne de la tragique et scandaleuse accusation de prévarication contre le juge Baltasar Garzón en 2008 après avoir ordonné l’ouverture des fosses communes des victimes du franquisme.[29] 

Nous soutenons qu’il n’y a pas de paix pour les vivants s’il ne peut y avoir de « paix pour les morts ».

La « restitution des biens » et la « réinsertion professionnelle » sont d’autres aspects à ne pas négliger.

Le pretium doloris , le prix de la douleur

Les problèmes de « réparation » pour les victimes ont été soulevés dans chaque processus de paix, dans chaque pays. Cela nécessite des stratégies délicates et difficiles pour négocier au mieux les « intérêts réels » du sujet. Il est nécessaire d’indemniser la victime selon la loi de la nation à laquelle sont soumis à la fois l’expert et le patient. Dans certains cas, une loi doit être conçue pour être adaptée au conflit à résoudre.

Or, nous savons qu’aucun pretium doloris ne peut combler le vide ouvert chez un sujet. Reconnaître une victime, c’est aussi lui donner l’occasion de parler de ce qu’elle a vécu et de ce dont elle continue de souffrir intérieurement. Ceux qui ont été victimes de cette violence arbitraire ont besoin de beaucoup de courage pour accomplir un travail sur eux-mêmes, à partir de l’insolite, des choses insoupçonnées qu’ils ont rencontrées et qui étaient cachées au plus profond de leur être. Pour que cela soit possible, il faut aussi que quelqu’un accueille, avec tact et attention, cette souffrance. Il faut parfois des années pour combler ce fossé qui a fait irruption dans la vie de quelqu’un.

Une écoute parmi d’autres, celle de l’analyste

Le psychanalyste est préoccupé par ces demandes d’écoute. Vous ne devriez pas l’ignorer. Le psychanalyste fait ce qu’il fait toujours : il propose d’écouter la singularité des effets pour chaque personne du moment social, politique et économique auquel il est confronté. Le psychanalyste ne console pas, ne promet pas de temps meilleurs. Elle ne se laisse pas non plus instrumentaliser par les pouvoirs publics pour pallier sa déficience et se substituer à l’insuffisance de l’État lorsqu’il s’agit de prendre soin de « ses » victimes.

Pour une dialectique de la paix

Nous n’avons pas envisagé la réconciliation du côté du recouvrement des fractures par un Mémorial, ni du côté de la célébration de l’amour retrouvé d’un peuple divisé, ni du côté de l’impératif gaulliste de l’urgence de « tourner la page », etc. Nous l’avons abordé du point de vue de la recherche d’une dialectique possible, dans une société déchirée par la plus grande violence.

La question la plus pressante reste celle posée par Lacan : « Comment faire en sorte que des masses de gens, condamnés à un même espace, non seulement géographique, mais aussi éventuellement familial, restent séparés ? » [30] Toute guerre — de nations, de clans, de familles — aboutit à cette question. Il reste donc à répondre au plus près de la vérité de chacun.

Le déclin des idéaux est souvent utilisé dans le discours contemporain pour expliquer le déclenchement désordonné et multifocal des guerres, et également pour justifier la montée du racisme et de la ségrégation. Il y a une feinte de surprise et d’ignorance de ce que Freud avait clairement démontré dans ses Malaises de la culture : derrière l’écran de la civilisation, qui contribue à la pacification des relations entre les hommes, rien ne change dans leurs instincts fondamentaux.[31]

La coercition sociale, le système éducatif, voire l’armée, participent d’une tentative de canaliser les forces instinctives, de leur trouver des débouchés acceptables et de gérer au mieux le « reste » inhérent à tout groupe social. Mais la dérégulation des liens sociaux, ainsi que la remise en cause de l’idée que se fait le Père de la Nation, ravivent les tensions entre groupes d’un même État, font remonter à la surface les ressentiments et les haines, et révèlent à nouveau les promesses de vengeance.

L’État de droit et le respect de l’intégrité des territoires sont, et continuent d’être, de fait, toujours menacés. Bien que tant de combattants anonymes soient morts pour la liberté, « la seule valeur impérissable de l’histoire »,[32] dit Albert Camus, sa fragilité est permanente et extrême. « Les hommes ne sont jamais vraiment morts que par la liberté : ils ne croyaient pas alors qu’ils mourraient complètement. »[33] 

Mais malgré tout, inexorablement, les hommes sont prêts à s’engager dans le pire, tant ils sentent les filets de la guerre se resserrer autour d’eux. Si tel est le cas, les combattants d’hier seront morts une deuxième fois.

Le psychanalyste est aussi un citoyen engagé et, en ce sens, il lui appartient, en fonction de sa formation, de sa connaissance des hommes, de son éthique, de dire ce qu’il pense et d’agir en conséquence.


Guy Briole. AME, AE (2010-2013) ; PEL. Psychanalyste à Paris et Barcelone.


[1] Tocqueville, A., De la démocratie en Amérique, Paris, 1951, tome II, chapitre VIII, p. 336.

[2] Lacan J., « La psychiatrie anglaise et la guerre », Autres écrits, Buenos Aires, Paidós, 2012, p. 113

[3] Gellhorn, M., Le visage de la guerre. Chroniques du front 1937-1985, Madrid, Débat, 2018, p. 41.

[4] Ibid., p. 17.

[5] Ibid., p. 50.

[6] Friedman, C., Mon père, la couleur de la nuit, Paris, Denoël, Folio, 2001, p. 12.

[7] Briole, G., « Le discours gris », Psychanalyse, Revue de l’École lacanienne de psychanalyse, octobre 2018, n° 33, pp. 199-201. 313-326.

[8] De Maistre, J., Traité des sacrifices, Madrid, Sexto Piso, 2009, p. 34.

[9] Briole, G., « Dans les mâchoires de la guerre : le déracinement », La psychanalyse à l’heure de la guerre, Buenos Aires, Tres Haches, 2015, p. 101.

[10] Lacan J., « De la causalité psychique », Écrits, vol. Moi, Mexique, Siglo XXI, 1984, p. 170.

[11] Lacan J., « La Chose freudienne », Écrits, op. cit., p. 411.

[12] Lacan J., « Les complexes familiaux dans la formation de l’individu », Autres écrits, op. cit., p. 50.

[13] Lacan J., « L’agressivité en psychanalyse », Écrits, op. cit., p. 110.

[14] TMI Nuremberg, Procès des grands criminels de guerre devant le Tribunal militaire international, 1949, volume I, p. 235.

[15] Ibid.

[16] Vercors, Le Silence de la mer, Paris, Magnard, Classiques et contemporains, 2001, p. 50.

[17] Ibid., p. 51.

[18] Ibid.

[19] Briole, G., « L’Impunis », Psychanalyse, Revue de l’École lacanienne de psychanalyse, n° 25, La formation de l’analyste, 2015, p. 77.

[20] Ibid.

[21] Lacan, J., « Introduction théorique aux fonctions de la psychanalyse en criminologie », Écrits, op. cit., p. 118.

[22] Briole, G., « Impossible d’échapper », La psychanalyse à la lumière du gai savoir de Rabelais, Les joies du corps et de la parole, Colloque de Tours, 24 septembre 2016.

[23] Briole, G., « Le corps de l’ennemi », Bitácora Lacaniana , NEL Review, numéro spécial, avril 2017, pp. 19-20. 83-96.

[24] Bandura, A., « Mécanismes de désengagement moral dans l’exercice de l’action morale », Journal of Personality and Social Psychology, 1996, vol. 71, n° 2, pp. 199-201. 364-374.

[25] Lacan, J., Le Séminaire, Livre 7 : L’éthique de la psychanalyse, Buenos Aires, Paidós, 2009, p. 30.

[26] Powers, K., Oiseaux jaunes , Paris, Stock, 2013.

[27] Duras, M., L’écriture, Barcelone, Tusquets, 1994, pp. 63-64.

[28] Briole, G., « Le corps de l’ennemi », op. cit ., p. 88.

[29] Ibid.

[30] Lacan, J., « Discours sur les psychoses des enfants », Autres écrits, op. cit., p. 383.

[31] Freud, S., « Le Malaise de la culture », Œuvres complètes, tome XXI, Buenos Aires, éditeurs Amorrortu, 1992, p. 140.

[32] Camus, A., L’Homme révolté, Paris, Gallimard, Col. NRF, 1951, p. 299.

[33] Ibid.