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Ligia Gorini / Trans express /

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Texte publié dans Lacan Quotidien N° 918 – Jeudi 4 mars 2021

Depuis dix ans, le nombre de demandes de « réassignation de sexe » chez des jeunes enfants et adolescents s’est multiplié dans les pays anglo-saxons et nordiques[i], et augmente considérablement en France.

Comment pouvons-nous faire signe au mal-être d’un enfant qui ne se reconnaît pas dans son corps sexué ? Comment l’accompagner dans son questionnement sur ce que c’est qu’être une fille ou être un garçon ? Face à la question intime posée par un enfant à partir de cette étrangeté rencontrée, éprouvée dans son corps sous forme d’une « discordance », comment se tenir au plus près de sa singularité, sans céder à la pression d’une réponse qui se veut univoque et généralisée ?

L’Observatoire des discours idéologiques sur l’enfant et l’adolescent lance une alerte sur les impacts des pratiques médicales sur les enfants diagnostiqués « dysphoriques de genre ». L’accès au protocole de soins devient banal, alors que les traitements proposés comportent des risques avérés.

L’argument selon lequel les enfants peuvent donner leur consentement éclairé à la prescription de bloqueurs de puberté est un conte de fées, a-t-on dit récemment à la Haute Cour de Londres, lors de l’affaire Bell[ii] du nom de Keira Bell qui attaque en justice la Tavistock and Portman NHS Trust pour lui avoir prescrit trop rapidement un bloqueur de puberté à l’âge de 14 ans ; elle a eu un traitement à la testostérone à 17 ans, puis une ablation des seins à 20 ans, ce que, depuis lors, elle regrette. Dans un arrêt déterminant pour le Royaume-Uni[iii] et dont l’impact pourrait s’étendre bien au-delà de l’île, la Haute Cour de Londres a exprimé ses doutes quant à la capacité de consentement d’un mineur aux traitements ayant pour effet de bloquer sa puberté.

« Autour du genre, c’est alors la question de l’être et du corps, celle du sujet et de son sexe, qui se pose, écrit Clotilde Leguil, comme un mystère pour chacun »[iv]. Il est crucial de pouvoir s’accorder le temps d’accueillir la souffrance d’un jeune sujet, de respecter sa parole sans vouloir l’interpréter ; d’accompagner ses parents ainsi que son entourage, sans être pris par des querelles idéologiques.

Mon expérience à l’hôpital est que, pour beaucoup de jeunes, ce qui s’exprime comme le souhait de changer de sexe fait partie d’une construction bien plus complexe qu’une « simple » dysphorie de genre. Je situerai plutôt là l’urgence, au sens où il faut accorder au sujet le temps d’en parler, s’accorder le temps d’écouter un sujet, d’isoler avec lui ce qui est venu marquer son corps. Prendre sa demande au premier degré peut entraîner des conséquences ravageantes.

[i] The trans train, documentaire suédois sur la transsexualité, disponible sur https://www.oedipe.org/videos/liste

[ii] UK court hears children cannot consent to puberty blockers, The Guardian, disponible sur internet.

[iii] Transsexualité : la Haute Cour de Londres met le holà à l’expansion des traitements bloqueurs de puberté , Institut européen de bioéthique, 16 décembre 2020.

[iv] Leguil C., L’être et le genre. Homme/Femme après Lacan, PUF, 2015, p. 19.