FAMILYSCOPIE

23 et 24 octobre 2021

DOSSIER PRÉPARATOIRE

Les textes de NAZIR HAMAD, ANOUAR KBIBECH, YESHAYA DALSACE, MONSEIGNEUR CHAUVET, JEAN-JACQUES TYSZLER sont repris du dossier « Famille je vous aime ? Les complexes familiaux aujourd’ui. Revue Lacanienne n°19 de l’ALI.

NAZIR HAMAD, Psychanalyste : La question de la filiation dans la famille contemporaine

Pouvons-nous encore parler de la famille comme on l’a toujours fait en nous basant sur nos repères habituels : père, mère et enfants, ou faut-il les abandonner en faveur des nouvelles données qui bouleversent la structure familiale classique ? Autre­ment dit, peut-on imaginer un jour que la famille ne se réfèrera plus à un homme et une femme en position de parents, mais à un parent seul qui assurera une fonction nouvelle qui dispense homme et femme de se confronter à la différence des sexes ?

MAURICE GODELIER, Anthropologue : « Jamais et nulle part la famille n’a été le fondement de la société»

Maurice Godelier travaille sur les grands invariants qui structurent nos vies et nos imaginaires : famille, religion, Etat. Formé auprès de Lévi-Strauss, marqué par le marxisme et le structuralisme, il a, comme anthropologue, longuement vécu au sein de la société baruya, en Papouasie–Nouvelle-Guinée. Tout au long de ses travaux, il a montré que la sexualité n’était pas une question de nature, mais une production sociale. Que la famille n’était pas, contrairement aux idées reçues, au fondement de tout système social. Ou que la mort ne s’opposait pas à la vie, mais à la naissance.

MAURICE GODELIER, Anthropologue : «Toutes les sociétés humaines font de l’inceste un tabou mais cette universalité revêt des formes très différentes.»

Quelles sont les origines de la prohibition de l’inceste ? Ce tabou est-il universel, comme l’affirmait l’anthropologue Claude Lévi-Strauss ? Ses contours varient-ils dans les différentes sociétés humaines qui ont peuplé ou qui peuplent encore la planète ? Nous avons posé ces questions à l’un des plus grands anthropologues du monde, Maurice Godelier, ancien directeur scientifique du ­département des sciences de l’homme et de la société du CNRS, et auteur d’un classique de l’anthropologie, Métamorphoses de la parenté (Fayard, 2004).

ANOUAR KBIBECH est Vice-président du Conseil français du culte musulman et président du Rassemblement des musulmans de France. « le Coran indique dans un certain nombre de versets qu’il y a égalité entre homme et femme, et notamment au sein de la famille entre le père et la mère. Mais par contre, il l’indique dans un verset qu’il y a un degré supplémentaire pour les hommes».

Dans la religion musulmane, la famille est effectivement au centre de l’organisation de la société, et il y a des versets du Coran et des hadiths du prophète qui sont très clairs sur le fait qu’il faut favoriser effectivement la constitution de la famille, notamment par le mariage. le rôle de la famille est encadré par ces deux aspects. 

YESHAYA DALSACE est Rabbin de la communauté Massorti. C’est intéressant de marquer la diffé­rence entre l’approche juive et l’approche chrétienne.

Dans le cadre chrétien, où la famille est théologique, elle va créer du Théos au sens strict du terme. Là, du coup, cela prend sens. Tandis que dans le judaïsme, absolument pas. Mais c’est intéressant que vous ayez apporté ce terme. Il est évident que le récit de la Genèse est fondateur pour le judaïsme, pour la façon dont on pense la famille, et du coup la fonction paternelle éventuellement, mais aussi maternelle bien sûr. Cependant, je ne suis pas convaincu que notre lecture soit similaire à la lecture chrétienne.

MONSEIGNEUR CHAUVET est  Recteur de la cathédrale Notre-Dame de Paris, consultant au Vatican. « Il paraît important de préciser les orientations de l’Église et du pape sur l’esprit de cette pastorale concernant le mariage et la famille ».

Il faut réentendre un peu l’histoire, comme vous les psychanalystes vous le faites, cette histoire qui est marquée de joie et de tris­tesse, de souffrances, de blessures. Il faut que le prêtre puisse être attentif à la bles­sure. Il est aussi important d’en voir les conséquences vis-à-vis des enfants. On parle peu des conséquences d’un divorce pour les enfants. Il y a plus de 5o % des couples qui divorcent, alors on se dit : qu’est-ce que ça peut faire ? 

JEAN-JACQUES TYSZLER psychiatre, psychanalyste est  médecin directeur du centre médico-psycho-pédagogique de la MGEN à Paris. « Un centre médico-psycho-pédagogique reçoit en nombre des familles et des enfants et est, de ce fait, un bon poste d’ob­servation des mutations familiales en cours. »

Nous avons déjà dit notre lassitude face à l’attitude qui consiste à toujours pleurer sur la perte de l’autorité et de la vertica­lité. « Ce que fut l’autorité » avait déjà écrit Hannah Arendt à la sortie de la Seconde Guerre mondiale ; il nous faut désormais faire avec l’existant sans nostalgie ignorante des horreurs passées.

Sommes-nous à l’aube d’une révolu­tion dans la conception de la famille ? Ou bien, plus simplement, refusons-nous de prendre en compte les appuis symboliques nouveaux ?