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Juliana Castro – L’horreur, existe-t-elle au pluriel ?

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Je travaille à l’Institut National du Cancer (INCA) à Rio de Janeiro et viens d’une longue pratique à l’Hôpital Psychiatrique de Jurujuba à Niterói. Dans ces deux champs, bien que de manières différentes, la question de l’image du corps m’interroge. Je soutiens l’hypothèse que le dévoilement du montage de l’image du corps aurait un lien avec l’horreur. Ce montage de l’image du corps est beaucoup plus évident dans la psychose. Et dans la névrose : la douleur serait un élément clinique qui pourrait le mettre en lumière. Je vais aborder tout d’abord des cas cliniques issus des ces deux pratiques, et évoquerai cette question, pour ensuite soulever une conséquence du dévoilement de ce montage qui serait l’horreur. C’est par ce biais que je cherche à développer la discussion, trois signifiants donc : corps, douleur et horreur.

À l’hôpital psychiatrique, André, 50 ans, cachectique en raison de sa mélancolie, disait qu’il souffrait d’une hémorroïde qui bouchait son anus, l’empêchant d’évacuer ce qu’il avalait. La nourriture « s’accumule », disait — il, « au moment d’évacuer, ça ne sort pas, ça ne descend pas ». « C’est très douloureux ! » Il se plaignait de douleur à l’anus qui se propageait dans le dos et dans le corps tout entier. « J’ai une maladie grave, je ne sais pas si c’est le cancer, le SIDA, la tuberculose. » Son sang serait épais. « Je suis complètement foutu, pourri de l’intérieur. » « J’ai une douleur chronique. » « Je suis laid de naissance. » « Je suis né marabouté. » « Je suis si mauvais que même le diable ne veut pas de moi. » « Je suis la pelure de l’orange : un raté, sans avenir. » Les moments d’auto-agressivité n’étaient pas rares : il se cognait la tête contre le mur jusqu’au sang, donnait des coups de poing sur les vitres, se brûlait avec des cigarettes et il ne ressentait pas de douleur durant ces épisodes. Il a fait des tentatives de suicide par étranglement, ingestion d’objets ou absorption excessive de médicaments, il s’est jeté sous des voitures.

Je lui ai proposé d´écrire sur sa “douleur chronique”. Il a commencé à écrire de façon chaotique, les lettres partaient dans tous les sens et remplissaient toute la feuille. Nous avons fait un travail où il lisait, et nous introduisions ensemble la ponctuation. Avec les scansions, les mots ont fait leur apparition. Son écriture   s´est organisée sur le papier. Il a pris du poids, a commencé à écrire des poésies qu´il vendait au sein de l´hôpital et achetait des “friandises” avec l´argent récolté. Il a commencé à écrire aussi des histoires d’horreur, de monstres, de corps morcelés et putréfiés.

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