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Marie-Claude Thomas / Genèses de l’autisme II

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Rencontre avec Marie-Claude Thomas  autour de Genèses de l’autisme II. avec la participation de : Marie Deslandes, Catherine Franceschi, Cécile Imbert et Yan Pélissier le 6 décembre 2025 de 15h à 17h30. Lieu : Local de l’École lacanienne de psychanalyse, 212 avenue du Maine, 75014, Paris. Code porte 224A7, interphone 46. Participation aux frais : 15 € souhaités. Illustration de la rédaction.

Le dernier livre de Marie-Claude Thomas Genèses de l’autisme II. Georg Frankl, Hans Asperger s’inscrit dans une série – L’autisme et les langues (2011) ; Lacan, lecteur de Melanie Klein (2012) ; Genèses de l’autisme. Freud, Bleuler (2014) – dépliant les genèses, au pluriel, de l’entité « autisme » en commençant par l’invention du mot lui-même et l’usage d’autres expressions dont le Gefühlskontakt de Georg Frankl repris par Leo Kanner en Affective contact, mais aussi le Gemüt de Hans Asperger promu dans l’Allemagne et l’Autriche en cours de nazification.

Il retrace leurs migrations au fil des circulations des idées et des personnes de part et d’autre de l’atlantique, via les contextes des pratiques psychiatriques, psychologiques, éducatives, comportementalistes, behavioristes et pointe l’émergence de ce qui est appelé « le phénomène autisme ».

Cette enquête, ou plutôt ces enquêtes épistémologiques, conduites avec la précision de la méthode critique telle que Canguilhem et Foucault l’ont mise en œuvre, visent à déconstruire la fabrication de l’entité « autisme infantile » pour parvenir « à se décaler de la déferlante des protocoles cognitivo-comportementalistes, du scientisme qui a la main ».

Dans la pratique, avec les enfants et les adultes dits autistes, il est possible de « se régler par la position analytique, selon la rigueur méthodico-logique du cas par cas, ou mieux du pas à pas de l’expérience de chacun. » Ce décalage recherché se lit dans les thèses soutenues au fil des pages en énonçant l’autisme comme destruction de la capacité parlante de la langue là où cette dernière est réduite à un code servant la communication, et plus largement en posant l’autisme comme symptôme « d’une cassure civilisationnelle », et non comme structure psychopathologique.

Dans la veine du travail de Michel de Certeau sur l’épidémie de sorcellerie qui a sévi en France et en Europe au XVIIe, l’explosion du « phénomène autisme » prend la forme d’une épidémie. L’ouvrage ouvre alors un champ des possibles dans une perspective analytique en développant les études antérieures sur le jeu dans l’analyse, considéré comme « l’officine de la métaphore ». Quand un enfant, dit autiste ou pas, est-il écrit, se met à jouer quelque chose change vraiment : « Jouer, au sens où nous l’entendons, c’est sauter dans la langue ». Le récit de Ramiro par Julietta Jerusalinsky qui clôt le livre en est un très clair exemple.

Cet ouvrage ouvre à une série de questions, parmi elles :

• En 1944, Hans Asperger adopte le terme Gemüt en usage dans l’Allemagne et l’Autriche nazifiées. La concordance des temps est troublante : que peut-on dire de la participation d’une dimension politique dans la construction de l’entité « psychopathie autistique » par Asperger ?

• Y a-t-il quelque raison de croire que ces autres possibles dans l’accueil d’enfants ou d’adultes dits autistes parviendraient à prendre le pas sur des pratiques qui montrent leurs limites ?

• Si le parallèle entre l’épidémie de sorcellerie au XVIIe siècle et l’épidémie actuelle d’autisme se révèle pertinente, serait-il possible de pousser d’un cran et d’envisager qu’elles seraient chacune une forme de résistance à une invention : celle de l’imprimerie par où le langage et les mots se fixent, pour la première et l’explosion des « moyens de communication » pour la seconde ?

Bibliographie

– Michel de Certeau, La possession de Loudun, Paris, Julliard, Coll. Archives, 1970.
– Edith Scheffer, Les Enfants d’Asperger. Le dossier noir des origines de l’autisme [Asperger’s Children : The Origines of Autisme in Nazi Vienna, 2018], traduit de l’américain par Tilman Chazal, préface de Josef Schovanec, Paris, Flammarion, 2019.
– Marie-Claude Thomas, L’autisme et les langues, Paris, L’Harmattan, coll. « Études psychanalytiques, 2011.
– Marie-Claude Thomas, Lacan, lecteur de Melanie Klein suivi de « Sevrage » texte inédit en français de Melanie Klein, Paris, Érès, coll. « Psychanalyse et clinique », 2012.
– Marie-Claude Thomas, Genèses de l’autisme. Freud, Bleuler, Kanner suivi de Leo Kanner : une viepar Klaus-Jürgen Neumärker, Paris, EPEL, coll. « essais », 2014. Disponible sur le site epel : https://epel-edition.fr/publications/#G
– Marie-Claude Thomas, Genèses de l’autisme II. Georg Frankl, Hans Asperger, suivi de Ramiro par Julieta Jerusalinsky, Paris, EPEL, coll. « essais », 2024.