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Sandrine Aumercier / Le paiement en psychanalyse

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Texte publié le 3 septembre 2023 sur le site GRUNDRISSE  Catégories Pratique et position sociale de la psychanalyse.  Illustration de la rédaction.

Je réviserai la position que j’ai défendue il y a quelques années dans mon texte Une contrepartie monétaire, pourquoi pas ?[1] Je mettais en évidence le fait que les rationalisations dont le paiement font l’objet de la part des psychanalystes ne rendaient pas compte de la problématique du paiement, notamment le fait que l’argent, équivalent universel en circulation, n’appartient à personne, ni au vendeur, ni à l’acheteur (sauf dans l’imaginaire de la propriété inhérent au principe de l’échange monétaire). On ne peut donc pas partir du principe que quelqu’un paye « sa » psychanalyse avec « son » argent, sauf dans une conception imaginaire de l’argent dont on ne voit pas pourquoi elle serait soutenue sans autre forme de procès par la psychanalyse.

Je citais quelques-unes de ces rationalisations : « Le paiement concrétise aussi, surtout, la valeur de la théorie analytique, l’analyste n’étant qu’un agent de la théorie analytique en acte. » « L’argent règle les émois transférentiels […] fonctionne comme un rappel à la réalité. » « Le paiement empêche l’analyste de jouir de son patient pour son propre compte. » « L’obligation de payer aide le patient à parler de son rapport à l’argent, sujet souvent aussi tabou que sa sexualité. »[2]  Cette accumulation de justifications au sein du même article (et du même numéro de revue) ne pouvait être que suspecte. J’argumentais, en somme, que l’argent n’était qu’une manière parmi d’autres de payer la dette ouverte par le procédé analytique. L’élément principal, disais-je, était que l’analysant prenne position sur son analyse ; une fois ceci obtenu, il se laissait toujours trouver un mode de paiement, monétaire ou non.

Je persiste à penser que c’est un maniement du paiement qui est cliniquement justifié. Mais ma focalisation sur la dimension symbolique du paiement contribua à scotomiser la question spécifique de l’argent dans toute l’économie du dispositif analytique. La fonction de l’argent dans le capitalisme reste en effet une zone inexplorée de la théorie analytique. Les psychanalystes semblent croire à la « valeur de l’argent » (au moins imaginaire et symbolique) pour remplir certaines fonctions dans l’analyse, mais il y manque une appréhension de la valeur de l’argent entendue au sens des rapports économiques comme totalité de rapports contraignants. On ne voit pas pourquoi la psychanalyse serait dispensée de cette considération lorsqu’elle traite de la question du paiement. Qu’en est-il si par exemple l’argent n’a la valeur qu’on lui prête ? Et qu’en est-il si nonobstant les symboles et les fantasmes que véhicule l’argent, il est essentiellement hors symbolique, voire lié dans le réel à la destruction de toute fonction symbolique ? Comment peut-on dans ce cas invoquer impunément la valeur symbolique de l’argent dans la cure ?

Serge Viderman, qui n’avait pas compris grand-chose à Marx, lançait pour sa part : « Sans argent pas de marché, sans argent, pas de psychanalyse. Il en va de même pour les tomates. »[3]  La comparaison entre le paiement de la psychanalyse et le paiement des tomates ne manque pas de piment. Mais elle induit la question qui fâche : il a existé des tomates dans des sociétés sans argent, mais pourrait-il exister une psychanalyse dans une société sans argent ?

Reprenons la formule : « Sans argent, pas de psychanalyse. » Certes, il existe des dispositifs — prise en charge publique ou prise en charge par des caisses de sécurité sociale privée par exemple — qui font croire au patient et parfois au psychanalyste (surtout s’il se dit de gauche) qu’elle est gratuite. Le principal défaut de ces types de prise en charge est de faire croire qu’une telle chose est possible et d’effacer ainsi le scandale du paiement. Ce n’est peut-être pas si différent des objecteurs de consommation qui s’imaginent vivre sans argent parce qu’ils ramassent quelque chose dans la rue. Ce n’est pas parce qu’on ne paye pas soi-même un service ou un bien qu’on est en dehors de la forme-argent et c’est de cela qu’il sera question ici. La forme-argent est impliquée à tous les niveaux de la société capitaliste.

Il est certain que personne n’irait travailler toute la journée au fond d’une mine gratuitement, à moins d’être réduit en esclavage. Tout au plus pourrait-on imaginer qu’une personne ou une communauté aille se servir dans une mine ou une carrière de manière épisodique pour un usage direct et limité, comme ce fut le cas dans maintes sociétés prémodernes, mais certainement pas comme but en soi, comme extractivisme, si cette activité avait lieu en l’absence de rémunération et en dehors d’un contexte esclavagiste. Il est donc certain que certaines activités qui se sont constituées et généralisées dans le cadre du « travail abstrait » (Karl Marx) n’existeraient pas en dehors de la forme-argent (articulée aux autres catégories du capitalisme que sont la forme-valeur et la forme-marchandise). Pendant des millénaires, les gens ont pu labourer les champs pour leur subsistance en l’absence de rémunération monétaire. Ils ont aussi pu aussi effectuer une quantité d’activités de soin et de production ainsi que d’activités symboliques pour remplir des nécessités dont beaucoup n’avaient rien de strictement matériel et encore moins de pécuniaire.

Des tâches gigantesques comme la construction des pyramides, pénibles comme la mine ou l’usine, destinées à la jouissance d’autrui comme dans toutes les formes de domination ou simplement destinées à gagner de l’argent n’existeraient pas, de toute évidence, en l’absence d’une médiation sociale par l’argent (ou au moins d’une société hautement stratifiée fondée sur l’esclavage). Autrement dit, si les humains peuvent de plein gré, semer, arroser, labourer, enseigner, écrire des poèmes, effectuer des cultes, construire des maisons, tisser, cuisiner, voyager, chasser ou élever des enfants pour remplir un ensemble de nécessités non dépourvues de plaisir (ou inversement pour satisfaire des désirs non dépourvus de nécessité), il existe toute une série d’activités que personne ne ferait de manière volontaire et continue pour le seul plaisir, comme de travailler à l’usine, à la mine ou sur une décharge toute la journée, voire toute la vie.

La psychanalyse fait partie de la série d’activités qui n’existerait pas sous la forme où on la connaît en l’absence d’une rétribution financière. Personne ne peut passer ses journées à écouter des patients parler sur un divan, si ce n’est d’abord et avant tout parce qu’il a choisi cette activité « pour gagner sa vie ». Il a existé historiquement toute sorte de modes de soin ou d’exercices spirituels efficaces, ainsi que des pratiques de charité. Ils pouvaient être pratiqués de manière sporadique ou de manière constante par des préposés à cette fonction sociale, qui en retiraient des avantages matériels ou symboliques. Ces avantages constituaient des formes de domination ou d’asymétries sociales admises et considérées comme légitimes. Mais précisément la psychanalyse prétend s’en distinguer[4].

Elle s’en distingue justement par le refus rigoureux d’une contrepartie symbolique[5]. L’interprétation de l’analyste pourrait sembler une telle contrepartie (et elle est souvent traitée comme telle). Mais dans la mesure où il ne s’agit en aucun cas d’un « échange », la contrepartie serait plutôt ici une sorte d’attrape tendue au « sujet supposé savoir », un coup d’avance dans la partie. Le côté oraculaire de l’interprétation analytique, relevé par Freud avec le petit Hans, ne signifie en aucun cas que l’analyste prenne les effets symboliques de son interprétation pour « argent comptant » : ce n’est pas un effet de son génie si parfois elles opèrent, mais l’effet du dispositif lui-même, dans lequel il s’implique subjectivement. Plus le dispositif est rigoureux dans sa forme et plus le psychanalyste est subjectivement impliqué, plus la combinaison de ces deux facteurs est opératoire. Il nous faut donc toujours considérer les deux faces, subjective et objective, de cette pratique. Cela implique nécessairement d’interroger la validité sociale du dispositif, et de cesser de le prendre pour une évidence dictée par un inconscient qui viendrait prendre la place des vieux discours sur la nature humaine.

Si le dispositif analytique comporte une dimension symbolique, c’est celle qui se présente comme le solde de tout ce qui en est retranché : la possibilité pour une parole de « faire la différence » dans un monde qui n’en fait pas, c’est-à-dire où la seule différence qui « compte » est la marque que tu portes sur le dos et le trait identificatoire avec lequel tu t’auto-désignes. Or la rigueur de l’expérience analytique repose sur le refus de fonder la différence symbolique sur les prestiges dont se pare traditionnellement tout représentant d’un ordre symbolique autant que sur le refus de l’égalisation abstraite qui transforme toute «diversité» en signe marchand. S’il arrive qu’un psychanalyste tire l’effectivité de son intervention de son prestige social, on devrait à bon droit — psychanalytiquement parlant — mettre en doute la qualité de cette efficacité. Le cuivre de la suggestion y est certainement mêlé à l’or pur de la psychanalyse. C’est sûrement ce qui est arrivé à Lacan, bien que ce ne fût pas faute pour lui de malmener son public pour lui refuser son corps, comme il disait.

Bien que toutes les formes composites de psychanalyse existent empiriquement, à savoir mêlées de suggestion, de prestige personnel, d’idéologie, etc., il reste que dans son concept, la pratique analytique repose sur le refus de tels avantages symboliques pour le psychanalyste. Il n’est pas là pour sauver ou jouer les guérisseurs, pour profiter de son ascendant psychologique sur la personne en souffrance, pour intercéder en faveur de Dieu ou des esprits, pour jouer au saint ou au sage, pour endoctriner des foules (même des foules analytiques), pour faire la charité, pour enseigner, pour séduire, bref, il n’est pas là pour tirer un quelconque bénéfice du transfert.

La psychanalyse se distingue ainsi de toutes les pratiques antérieures par un procédé au cours duquel le sujet de l’inconscient va plutôt perdre ses assises qu’en gagner de nouvelles, et cela vaut aussi bien pour celui qui parle que pour celui qui écoute. En ce sens, on peut dire que tous les bénéfices symboliques sont refusés au psychanalyste. Il n’est jamais exclu qu’il cherche toutefois à en tirer quelques-uns, soit à jouir de sa position, et cela arrive : car il n’est pas un saint, mais un être humain ordinaire. Mais l’exercice rigoureux de son activité implique quand même en principe un tel renoncement. Disons simplement qu’en l’absence d’un tel renoncement, ce qu’il pratique ne mérite plus de s’appeler de la psychanalyse.

Je ne suis pas en train de me prononcer contre des séances gratuites ni même contre toute prise en charge par un tiers. Il est arrivé à nombre d’entre nous, et à moi-même aussi de pratiquer de gré ou de force des séances gratuites : quand le patient disparaît sans payer et ne répond pas à l’envoi d’une facture, quand une perte d’emploi subite au cours de l’analyse ne justifie cependant pas une interruption brutale de l’analyse, ou encore lors de consultations gratuites offertes dans un cadre associatif. Mais tout ceci ne constitue que des cas particuliers justifiant une clinique singulière et singularisée. Cela n’enlève rien à la question posée précédemment. Car si je peux concevoir de tels cas ponctuels, je n’ai jamais envisagé de travailler toute la semaine sans contrepartie financière, alors que je peux trouver sens par ailleurs à un grand nombre d’autres activités non rémunérées. Dit autrement : si j’étais rentière, je ne pratiquerais pas la psychanalyse gratuitement et je pratique la psychanalyse parce que je suis contrainte de « gagner ma vie ». Je reprends donc ici à mon compte une question crûment posée par Lacan à son auditoire : « Y a-t-il des cas où une autre raison vous pousse à être analyste que de s’installer, c’est-à-dire de recevoir ce qu’on appelle couramment du fric, pour subvenir aux besoins de vos à-charge, au premier rang desquels vous vous trouvez vous-même ? »[6].

Ce serait occuper une position perverse que de recevoir « pour rien » des personnes en souffrance psychique dont la demande transférentielle est notoirement énorme (c’est même le moteur du travail analytique), dans un procédé long, pénible et régressif. Laissons ici de côté la question de savoir si une « psychanalyse gratuite » peut, oui ou non, avoir des effets thérapeutiques. Freud signalait l’irruption de résistances puissantes lors de psychanalyses gratuites effectuées dans un cadre libéral, mais il s’engageait en faveur de cliniques psychanalytiques populaires financées par l’État, en quoi il n’était pas allé au bout de la question du paiement. Car comme déjà dit, le remboursement de la psychanalyse par un organisme public ou privé ne résout en rien le problème du paiement, il ne fait que le masquer. Si le psychanalyste ne peut pas faire cette activité « à l’œil », il n’y a aucune raison de se faire croire qu’on a contourné cette difficulté du seul fait de faire payer un tiers !

Le problème n’est donc pas — ou pas essentiellement — de savoir qui paye le psychanalyste, contrairement à la question posée dans mon article sus-mentionné, mais de savoir pourquoi, justement, cette activité ne fait aucun sens si elle n’est pas rémunérée. La psychanalyse fait partie de ces activités modernes que l’on peut à bon droit trouver passionnantes, mais que personne ne pratiquerait telles quelles en dehors du cadre moderne. Elle est donc d’abord un « métier » moderne, c’est-à-dire l’une des spécialisations que l’on peut choisir pour « gagner sa vie ». La critique de la forme sociale implique donc la critique de la position qu’y tient la psychanalyse comme symptôme de cette forme. Et ceci distingue donc la psychanalyse des tomates, dont on peut penser qu’elles existent aussi dans une autre forme sociale (passée ou future), quoique certainement produite autrement.

J’ai dit que le psychanalyste renonce, en principe, à tous les bénéfices symboliques. Ce n’est pas tout à fait exact. Freud, comme Lacan plus tard, insistait sur l’apport de savoir que constitue cette pratique, et affirmait également que seul le détour par un tel gain de savoir pouvait conduire à des effets thérapeutiques obtenus « de surcroît ». Le gain de savoir était placé par Freud en position d’objet de la recherche auquel se soumettaient l’analyste et l’analysant, quoiqu’à des places différentes, pour que le processus ait lieu. Mais ce gain de savoir, si Freud ne cachait pas son lien fondamental avec la curiosité sexuelle infantile, était également indicé par lui d’une qualité sublimatoire qui justifiait sa contribution à ce qu’il appelait par ailleurs le « travail de culture ». Freud pensait donc que la psychanalyse comme pratique et comme théorie apportait essentiellement un gain de savoir à la culture, dont le bénéfice thérapeutique et le plaisir scientifique individuel n’étaient que des bénéfices secondaires. Pour que la psychanalyse produise son plein effet, il fallait en quelque sorte qu’elle soit suffisamment « désintéressée ».

Mais jamais un analysant ne poursuit son analyse sans une visée d’amélioration subjective, et jamais un analyste ne supporte sa charge sans espérer apprendre quelque chose de nouveau qui satisfasse aussi quelque peu sa propre « théorie sexuelle infantile », aussi bien analysée qu’elle fût. Le fait que l’un et l’autre des protagonistes consentent à différer cette satisfaction, à patauger dans la répétition et l’ignorance, justifie cependant qu’on voit dans la psychanalyse une discipline dont les buts ultimes sont « scientifiques ». Un tel bénéfice serait donc le seul bénéfice symbolique admis par la psychanalyse selon Freud : sa contribution au progrès du savoir, qui est pour Freud consubstantielle à son idée d’un progrès culturel.

On pourrait donc imaginer la situation fictive, dans un monde sans argent, d’un psychanalyste animé par le seul désir de découvrir les arcanes de la psyché humaine et qui effectuerait dans ce seul but et sans argent un grand nombre d’analyses (car seul un grand nombre d’analyses est susceptible d’éclairer la variabilité et la constance des processus psychiques). Ce tableau contient évidemment quelque chose de congruent avec de nombreuses expérimentations historiques qui ont ouvert les chemins de la science, souvent conduites par des esprits tenaces, voire obsédés par leur objet de recherche. Néanmoins, il s’agissait d’objets de la nature et non de son prochain — et, dans le cas contraire, les expérimentations entreprises sur des sujets humains se sont souvent avérées un scandale éthique.

Pourquoi ? Ne faisons-nous pas une expérience hasardeuse à chaque fois que nous élevons un enfant ou à chaque fois que nous enseignons à un élève, et à chaque fois qu’un pédagogue en tire des principes généraux ? Faut-il supprimer ces activités culturelles au prétexte qu’elles font de l’enfant un cobaye ?

Ces activités et bien d’autres, qui ne sont pas par ailleurs sans poser des problèmes éthiques spécifiques, se distinguent de la psychanalyse en ceci que cette dernière prétend justement ne pas reproduire dans son dispositif les mécanismes de la vie sociale. La teneur symbolique de ces activités est retranchée du sens de l’activité analytique. Si l’analyse offre un cadre expérimental à leur reproduction contrôlée dans le transfert, c’est pour les isoler, les disséquer (c’est le sens rappelé par Freud du mot « analyser »), et en modifier l’économie interne, et non pas pour simplement satisfaire à la reproduction des structures existantes. Cette abstinence, pourrait-on dire, est une abstinence symbolique immédiate pour une contribution symbolique qui serait différée, dépersonnifiée et, de ce fait, élevée à la hauteur d’une certaine idée du progrès culturel qui était l’idéologie de Freud et qui constituait peut-être l’ultime rationalisation de son activité. Lacan a cédé à la même idéalisation en parlant du « désir de l’analyste ». Bien que ce mot ait subi une inflation dans le milieu lacanien, il convient de distinguer dans cette proposition ce qui relève de l’analyse des motifs subjectifs pour lesquels l’analyste a choisi cette activité-là et pas une autre, et ce qui relève par ailleurs d’une nouvelle idéalisation. L’analyse de l’analyste ne garantit sur ce point nulle pureté. Le désir de l’analyste n’est pas moins qu’un autre empreint de pulsions sadiques, voyeuristes, narcissiques, etc. Mais, pour qu’il y ait analyse, l’intérêt pour la chose inconsciente prévaut sur des satisfactions primaires.

La psychanalyse consiste en un renoncement à tous les autres types de liens sociaux et libidinaux qui font l’épaisseur de la vie sociale, afin justement d’en mettre à nu la structure. Ce n’est qu’en se refusant à être pédagogue, prêtre, guérisseur, médecin, ami, amant, conseiller, que sais-je, que le psychanalyste aide à la décantation de cette structure, qui constitue in fine un gain de savoir pour les deux protagonistes : pour l’analysant la voie d’une modification subjective susceptible de lui apporter un soulagement, pour l’analyste une contribution à la théorie psychanalytique, et plus largement, à la science. 

Ce renoncement est contre nature. Sans préjudice des « impuretés » que contient le travail analytique (qui bien évidemment ne correspond jamais en pratique au processus idéal qu’on veut bien se dépeindre), le psychanalyste se fait précisément rémunérer ce renoncement. Il est impossible de se soumettre à un tel régime, pourrait-on dire, en l’absence de toute contrepartie, sauf à occuper une position perverse. L’abstinence que revendique la psychanalyse pour produire les effets escomptés est incompatible avec une idéalisation sacrificielle dans laquelle le psychanalyste se positionnerait par « amour du savoir » ou par « amour du prochain ». Même ces ultimes satisfactions lui sont refusées. Si ces tendances existent, elles doivent être différées, analysées, débranchées, au bénéfice du processus quotidien, fastidieux et pas forcément gratifiant du travail analytique. Rien n’est assuré au bout.

Les contreparties symboliques immédiates qui vont de la charité à l’idéal scientifique ayant été écartées, il ne reste donc, semble-t-il, que l’argent pour y satisfaire. L’argent est ici le degré zéro de la contrepartie exigible d’une activité qui, pour conduire là où elle se propose de le faire, demande le renoncement à toutes les autres satisfactions libidinales (que je ne sépare pas des fonctions que j’ai appelées symboliques au sens où elles impliquent toujours aussi la totalité du fonctionnement social). Au fond, l’argent représente la seule satisfaction libidinale autorisée et touche ainsi à la structure de la forme sociale où est apparue la psychanalyse. La position analytique ne peut se maintenir qu’en contrepartie d’une somme d’argent suffisamment conséquente pour justifier l’économie de son dispositif même, et qui ne prend sens que dans une société où l’argent est la médiation sociale par excellence.

L’argent occupe donc au cœur de l’activité analytique une place essentielle qui n’est généralement pas analysée dans son rapport structurel avec la forme sociale où s’inscrit cette activité. La question du paiement en analyse est régulièrement présentée comme une évidence, psychologisée ou rationalisée, que ce soit pour la défense d’une psychanalyse « gratuite » ou au contraire pour la défense d’une psychanalyse qui doit « coûter cher ». Les psychanalystes aiment à se lamenter sur l’impossibilité de leur position et la radicalité de leur pratique. Ces jérémiades semblent parfois justifier des honoraires à la hauteur de leur « position impossible ». Mais c’est la structure même du dispositif analytique au sein de la forme sociale capitaliste qui reste alors hors d’examen et y ménage un statut privilégié.

Il s’agit au contraire de dire pourquoi la psychanalyse n’est jamais « gratuite » (même quand l’analysant ne paye pas), pourquoi le problème n’est pas qu’elle doive « coûter » quelque chose à l’analysant (en d’autres termes, sauf à occuper une position perverse, l’analyste n’assène pas une leçon de castration à l’analysant), et pourquoi l’argent est structurellement la seule véritable mesure de la dette engagée à cette occasion. Une psychanalyse entièrement dépourvue de contrepartie financière coûterait aux deux protagonistes ce que vaut le masochisme ou le désir pervers de l’analyste. L’exemple repris par moi à René Lew du panier de légumes qui pourrait en période de guerre jouer le rôle de paiement n’est bien évidemment qu’un Ersatz de paiement, tout comme le paiement symbolique d’un caillou ou d’un dessin que Dolto demandait aux enfants. Il s’agit justement dans ces deux cas de bien rappeler que la psychanalyse est payante même si on n’a pas d’argent pour la payer. C’est bien cet aspect que j’ai moi-même alors édulcoré en me faisant croire qu’il existait mille façons de payer une dette (ce qui reste vrai dans une anthropologie générale), alors que l’argent est le seul paiement approprié d’une psychanalyse en régime capitaliste, tout autre mode de paiement n’étant qu’une diversion sur ce point — et ce, même si cette diversion peut être justifiée par des circonstances particulières.

Contrairement à ce que je défendais alors, l’argent n’est pas un cas particulier du paiement en analyse, il en est au contraire le paradigme. Je persistais, dans cette vision idéalisante, à ranger la psychanalyse aux côtés d’une longue série de pratiques anthropologiques diverses, qui effectivement connaissaient des contreparties symboliques tout aussi diverses et spécifiques aux sociétés qui les pratiquaient. Or la psychanalyse ne prend pas la suite de telles pratiques, elle constitue une rupture avec elles. Cette rupture est commandée par la place qu’elle occupe au sein de la société où elle a été inventée et par l’objet qu’elle se donne, qui par définition exclut justement toutes les contreparties symboliques traditionnelles. Lorsque Michel Perrin décrit les raffinements du paiement en nature qu’exigent les chamans en échange de leur prestation d’intercession avec les esprits, les esprits constituent un tiers qui n’a pas sa place dans le dispositif analytique[7]. La tentation structuraliste d’inscrire la psychanalyse dans un tel prolongement constitue une méconnaissance de la décomposition par le capitalisme de tout ordre symbolique. Le grand Autre chamanique n’est pas identique au grand Autre comme « sujet automate » de l’ordre capitaliste. Le « langage » ne saurait être la médiation transhistorique qu’on peut invoquer impunément dès que quelqu’un ouvre la bouche. Comme le renard de la fable qui, s’adressant au corbeau, « lui tint à peu près ce langage », il y a autant de langages que de formes sociales. C’est la raison pour laquelle le psychanalyste ne peut pas se faire rémunérer avec trois chèvres ou cinq bijoux. Le langage de ce paiement serait un autre langage que celui du paiement capitaliste de la force de travail. En dehors du fait que le psychanalyste n’aurait de nos jours que faire d’un paiement de trois chèvres, même ce paiement insolite s’insérerait encore dans la contrainte de la forme qu’est celle de l’argent, et non pas dans une quelconque dette symbolique de nature intemporelle.

La fonction de l’analyste, inhérente au monde spécifique où elle est apparue, suppose de réduire le symbolique à son apparition subjective, c’est-à-dire d’en isoler le degré zéro. Le psychanalyste égale son acte aux conditions structurelles de son inscription dans le capitalisme. Ce degré zéro n’est dans son essence pas compatible avec les formes de contrepartie inscrites dans un ordre symbolique de type prémoderne. S’il arrive que le psychanalyste se fasse payer en nature, ce n’est donc, au mieux qu’une concession faite à l’essence monétaire du paiement analytique et non une objection à son encontre.

Bien des psychanalystes lacaniens s’appuyant sur quelque formule sporadique de Lacan ont l’habitude de présenter leur position en disant que l’analyste se fait payer le « rien » dont le maniement constitue le leurre opératoire du transfert[8]. Derrière le cynisme de ce genre de formulations (qui de fait autorise tous les abus), ils finissent par oublier que 1/la position de l’analyste n’est pas rien et n’est pas pour rien dans la conduite de la cure ; que 2/le processus analytique n’est pas rien et n’est pas pour rien dans les modifications de l’économie subjective qui peuvent s’ensuivre ; et que 3/la position de la psychanalyse dans la culture n’est pas rien et n’est pas pour rien dans son rapport à la critique de la civilisation capitaliste. L’hypostase du rien pourrait finir par leurrer sur ce que révèle le dispositif analytique du « rejet en dehors de tous les champs du symbolique » par lequel Lacan caractérisait le « discours du capitalisme » dans le séminaire Le savoir du psychanalyste[9]. Il s’agit bien dans la cure de ce rien-là et non pas d’un rien ontologique élevé à une nouvelle ascèse.

Qu’est-ce que le symbolique ? Le symbolique est précisément un petit rien qui fait toute la différence, aussi nommé « différence absolue » par Lacan. Ce n’est pas un simple vide dont on pourrait se revendiquer. Le petit rien qui fait toute la différence n’a pas de prix ; il ne peut avoir qu’un « prix symbolique ». Mais comme on l’a dit précédemment, l’analyste ne se fait pas rétribuer sa prestation (par exemple la qualité sans égal de son interprétation analytique, fût-elle un silence opportun), car cela, c’est ce que font toutes les offres thérapeutiques existantes. Il ne peut être rétribué symboliquement qu’avec le langage du capitalisme : la forme-argent. Il ne peut pas se mettre au-dessus de cette forme-argent s’il entend se mettre à son niveau et en mettre à nu la structure. C’est ce que, par ailleurs, tentent de faire toutes sortes de pratiques alternatives, avec le résultat qu’elles sont quand même balayées par le rouleau compresseur du capital.

Le capital excelle à égaler l’offre analytique à n’importe quelle autre offre de soin, allant du massage au coaching en passant par les neuroleptiques. C’est pourquoi il nivelle, pour les évaluer, toutes les pratiques existantes en termes d’efficacité abstraite (par exemple des échelles de bien-être) et détruit la seule différence symbolique que poursuit la psychanalyse, à savoir le dégagement d’un moment qualitatif qui « fasse la différence » pour un sujet. Après avoir détruit toutes les sociétés, il ne reste au capital qu’à détruire ce petit rien de différence symbolique qui continue de nous agiter, le désir inconscient.

Le fait que le psychanalyste doive bien vivre, lui aussi, n’est donc pas un argument pertinent en faveur du paiement en analyse ; cet argument vaut en régime capitaliste pour toute activité, quelle qu’elle soit, soumise à l’abstraction « travail ». En ce sens, cet argument vaut certes pour le psychanalyste comme pour tout autre, mais ni plus ni moins. Si l’analyste argumente de la qualité de sa prestation, et notamment sur la qualité insigne du « rien » qu’il incarne, il se met de manière acritique au niveau de la marchandisation générale de la société et admet que son acte ne constitue ultimement aucune différence symbolique avec tout autre. Certes, il fait payer son abstinence, mais ce n’est pas parce que son abstinence a en soi une valeur plus haute que tout le reste (ce serait reconvertir la psychanalyse en morale) ; c’est parce que cette abstinence dévoile précisément la structure du sujet dans le capitalisme. Faute de quoi, le psychanalyste est un thérapeute parmi d’autres et un fonctionnaire de bureau comme un autre. Pourquoi pas ? Il se trouve suffisamment de psychanalystes qui se considèrent ainsi. Mais ils ont alors perdu le fil de la structure où s’inscrit leur acte. Car ce n’est pas le rien en soi dont le psychanalyste fait fonction, mais le rien auquel conduit toute la civilisation capitaliste et pour lequel la psychanalyse a inventé le dispositif idoine auquel on puisse se soumettre pour en approcher subjectivement la trame inconsciente. En même temps que l’analysant découvre subjectivement « ce qui fait la différence » pour lui, il découvre nécessairement — comme l’envers et l’endroit de la même expérience — que ceci est systématiquement réduit à néant par le rapport social capitaliste. Le divan constitue en ce sens une interminable plainte sur l’inanité sociale de ce qui compte pour le désir. Cette objectivité-là peut au cours de l’analyse cesser de constituer un alibi du sujet, et ceci bien que la poursuite de ses dégâts sociaux ne cesse pas.

La particularité de la position du psychanalyste tient au fait que son renoncement de principe à toutes les gratifications symboliques l’égale à la structure du capitalisme sans nécessairement l’y confondre. Il est en mesure de laisser se manifester la « petite différence » que la science et le capital s’appliquent à engloutir, mais il ne saurait les promouvoir d’une manière affirmative, comme l’ultime geste de résistance d’une discipline qui serait plus éclairée que les autres. Car la psychanalyse ne transcende pas le capitalisme. C’est dans l’immanence même de sa position que le psychanalyste, s’il est averti de son acte, peut rejoindre la structure du capitalisme sans que ce mouvement ne signifie le moins du monde une apologétique de la structure dans laquelle il est forcé autant qu’un autre de se positionner. Il en découvre au contraire la négativité, le scandale absolu, l’impossibilité inexorable. Une impossibilité qui n’a pas besoin de se parer des atours d’une nouvelle ontologie, mais qui tient aux conditions socio-historiques dans lesquelles elle s’exprime.

C’est pour cette raison que la question du paiement en analyse est plus cruciale encore que dans toute autre pratique. Elle met en lumière la congruence structurelle de la psychanalyse avec le capitalisme — une congruence qui contient en soi les éléments d’une critique radicale, mais qui, faute de cette critique, est menacée à tout moment de reverser dans la respectabilité professionnelle, l’infatuation intellectuelle (que Lacan nommait les « suffisances ») ou encore un nouveau tour de rationalisation perverse, où le psychanalyste, juge et partie, se met par exemple en position d’expliquer pourquoi l’analyse « doit coûter cher » et pourquoi « il en va du prix du désir », etc. Le fait qu’une partie de la population en soit de fait radicalement exclue constitue alors le démenti le plus cinglant à l’arrogance psychanalytique de détenir un bout de vérité qu’il faudrait sauver de la déconfiture. Si le problème du paiement ne veut pas se constituer en privilège de classe, la psychanalyse doit nécessairement entrer dans les déterminations de sa propre position sociale, qui sont des déterminations objectives, et qui l’exposent à être piétinée aussi impitoyablement que le reste par la crise du capitalisme. C’est bien pourquoi, contrairement à ce que je défendais, le problème du paiement ne saurait se réduire aux négociations qui se jouent entre analysant et analyste. 

La véritable raison pour laquelle une analyse ne saurait être gratuite (même quand quelqu’un ne la paye pas) est que c’est là la condition de dévoilement de son affinité structurelle avec le « rejet en dehors de tous les champs du symbolique » dont s’honore le capitalisme. Le capitalisme a accompli la destruction universelle de tout ce qui fait lien social et société, pour former une masse humaine jetée dans la concurrence et finalement poussée au bord du précipice auquel conduit immanquablement cette concurrence au cours de sa dynamique historique. Les individus se lient désormais entre eux par des traits identificatoires de plus en plus précaires qui ne constituent pas un lien social ; ils s’agglutinent dans leur chute, pour ne pas tomber seuls.

Par son renoncement à toute gratification symbolique (pas parce qu’il est un saint, mais pour que l’analyse ait lieu) l’analyste se met en position d’équivalence avec ce nivellement abstrait de l’argent dans le monde moderne, c’est-à-dire l’interchangeabilité de toute chose, de tout être et de toute activité que permet l’argent une fois que le capitalisme est posé historiquement sur ses propres bases. L’argent n’a pas d’odeur, dit-on : il ne sent pas le crottin de chèvre et il ne sent pas le sexe, bien qu’il puisse valoir pour leur équivalent si une transaction l’exige. La psychanalyse, au cœur du capitalisme, vient de la sorte mettre en évidence le règne de l’égalisation abstraite par le fait même qu’elle se donne pour objet la recherche du particulier ; comme à la loupe ou comme une courte parenthèse, elle offre à celui qui entreprend l’aventure d’aller toucher le fond de cette structure pour y trouver peut-être « le petit rien », qui fait pour lui la différence, qui est de l’ordre de la position subjective, et qui, jeté dans l’arène collective, n’y a justement aucune existence. Le symbolique n’est en aucun cas une chose qui se tient tout seul. Lacan n’a cessé d’insister sur cette fonction de l’analyste sans toutefois établir le rapport qu’elle entretient avec les conditions sociales de son émergence. Faute d’analyser ce rapport, la psychanalyse se met en position affirmative afin de simplement prolonger la marchandisation du monde capitaliste. Elle n’a alors rien de mieux à offrir qu’une marchandise parmi d’autres sur le marché du bien-être et de la santé mentale. Si elle prétend à un autre statut, elle doit dégager le lien structurel qui l’unit au capitalisme et dont le paiement constitue ici une trace aux conséquences cliniques considérables. Car il n’est pas du tout identique d’exiger un paiement pour tout un tas de justifications psychologiques obscures ou au contraire parce que, en l’absence d’une telle contrepartie d’argent, l’analyste se ravalerait à une position symbolique dictée par une logique du don qui n’a plus aucune existence sociale dans le monde moderne. Si elle subsiste dans les interstices de la société capitaliste — comme aiment le démontrer les auteurs de la revue du MAUSS — toutefois ces interstices constituent au mieux des formes entièrement surdéterminées par la logique marchande. Mieux vaut alors, reconnaissant que ce paradigme appartient au passé, montrer en quoi toute recherche de la différence symbolique tourne aujourd’hui entre les murs d’une prison où la psychanalyse n’a aucun salut à apporter, pas même celle de l’apologue lacanien[10]. Il se peut que la véritable petite différence consiste alors à découvrir le peu de réalité de celle que chaque sujet peut trouver en lui-même, et le scandale du fait que ce qui compte pour le désir ne compte justement en aucun cas pour le capital. C’est pour lui du temps de perdu et de l’énergie jetée par les fenêtres. Le paiement de la séance d’analyse constitue alors une piqûre de rappel du fait qu’il est impossible de faire un lien social à partir de la seule exploration individuelle, que le désir ramené à son expression individuelle est un non-sens. La psychanalyse déballe ainsi le scandale de l’indifférence, l’érosion de tout ordre symbolique, et permet de toucher du doigt la misère insondable de l’individu atomisé prétendument responsable de son bonheur.

[1] Sandrine Aumercier, « Eine geldliche Entschädigung, warum nicht? », dans Junktim, 1, 2018.

[2] Marc Léopold Lévy, « Des petites coupures ou de la demande de paiement comme acte », in Che vuoi?De l’argent, n° 24, 2005, p. 71-77.

[3] Serge Viderman, De l’argent en psychanalyse et au-delà, Paris, PUF, 1992, p. 139.

[4] Je m’éloigne de la position foucaldienne de Jean Allouch dans La psychanalyse est-elle un exercice spirituel? Réponse à Michel Foucault, Paris, Epel, 2007. 

[5] J’emploie ici le terme de contrepartie pour signifier à la fois le paiement monétaire et ce que Marcel Mauss appelle contre-prestation. L’idéologie de « l’échange » ne doit pas faire oublier que les formes sociales traditionnelles ne pratiquent pas l’échange, mais le sacrifice de certains biens la mise en commun de certains autres. L’idée d’une « contrepartie » est déjà informée des habitudes de l’homo oeconomicus. Le potlatch décrit par Mauss en est probablement une forme intermédiaire. Le troc n’a pas précédé le marché, il n’est pas une forme éternelle des rapports humains. Voir David Graeber, Dette. 5000 ans d’histoire, Arles, Actes sud, 2013. 

[6] Jacques Lacan, « Préface à l’édition anglaise du séminaire XI », 1976, Autres écrits, Seuil, 2001, p. 572.

[7] Michel Perrin, Les praticiens du rêve, Paris, PUF, 1992, p. 173-179.

[8] Jacques Lacan, Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 618 : « Ce rien, le psychanalyste ne le donne pas et cela vaut mieux… on le lui paie, et largement de préférence, pour bien montrer qu’autrement cela ne vaudrait pas cher. »

[9] Jacques Lacan, Je parle aux murs, Paris, Seuil, 2011, p. 96 : « Ce qui distingue le discours du capitalisme est ceci — la Verwerfung, le rejet en dehors de tous les champs du symbolique, avec les conséquences que j’ai déjà dites, le rejet de quoi ? De la castration. Tout ordre, tout discours, qui s’apparente du capitalisme, laisse de côté ce que nous appellerons simplement les choses de l’amour, mes bons amis. Vous voyez ça, hein, ce n’est pas rien. » (Séance du 6 janvier 1972).

[10] Jacques Lacan, « Le temps logique et l’assertion de certitude anticipée », dans Écrits, Paris, Seuil, 1966.