José Ramón Ubieto / Qui appelles-tu quand le monde s’assombrit ?

Texte publié le 3 mai 2025 sur le site zadigespana. Traduit de l’espagnol. Illustration de la rédaction.
La panne d’électricité dans la péninsule nous a ramenés, pour quelques heures, à l’angoisse et à l’incertitude liées à la pandémie. Perplexité, confusion dans les gares et les aéroports, achats précipités de nourriture et de kits de survie, et appels inquiets à nos proches. Et les groupes, principalement des jeunes, ne manquaient pas, chantant et dansant, bière à la main, sur les places et dans les parcs publics.
La panne d’électricité, à elle seule, a produit, pendant quelques heures, tout ce que nous recommandons pour rompre l’isolement numérique : se déconnecter des appareils électroniques, participer à des réunions en personne, pratiquer des activités de plein air, faire du sport, lire sur papier et discuter en famille. En arrière-plan, l’anxiété persistait quant à l’avenir et aux difficultés rencontrées par beaucoup pour rentrer chez eux, terminer leur voyage ou recevoir une assistance médicale.
Les patients que nous recevons n’ont pas cessé de parler de l’impact de cette panne d’électricité. Pour tous, ce fut une pause dans leur vie et une réflexion, même brève, sur leurs priorités. Des adolescents expliquent avoir été « forcés » de lire le livre reçu pour la Sant Jordi, faute de pellicules. Des couples adultes, en crise, ont eu leur première conversation adulte depuis des mois ; et des jeunes ont osé, dans la pénombre, avouer ouvertement leur amour à leur partenaire.
Chacun savait qui appeler avant que sa batterie ou sa connexion ne tombe en panne. Leurs contacts ICE (En cas d’urgence) formaient leur réseau, plus solide que leurs homologues numériques ou électroniques. Il s’agissait parfois de parents, de conjoints, d’enfants, de frères et sœurs ou d’amis très proches. Pas un seul influenceur n’était étranger. L’idée fausse selon laquelle le monde virtuel pouvait remplacer le monde réel sans difficulté s’est avérée illusoire. L’analogique a fait son retour en force (radios à piles, bougies, lampes de poche), et la présence est devenue plus nécessaire que jamais. Comme compagnonnage, soutien ou secours.
Les réseaux sociaux, et l’IA comme phare nous ont habitués à leur déléguer des tâches essentielles : connexions, communication, information, loisirs… Au point que de nombreuses personnes se sont retrouvées désorientées lorsque leur GPS a lâché. Un exemple de la façon dont il faut éviter que le numérique ne nous rende plus vulnérables à la perte des coordonnées qui peuvent nous guider dans la vie, au-delà de Google Maps. Une bonne boussole implique nécessairement de cultiver la rencontre avec les autres.
C’est ce black-out, le plus persistant et le plus décisif, qui devrait nous préoccuper : celui de l’hyperconnexion et de l’isolement. Car cela nous déconnecte les uns des autres et de nous-mêmes. Lorsque les réseaux et leurs connexions échouent, il ne reste que le réseau principal, celui qui crée des liens plus forts et plus durables.
*José R. Ubieto. Psychologue clinicien et psychanalyste. Professeur à l’UOC. Membre de l’Association Mondiale de Psychanalyse. Membre de l’AMP (ELP).