Le décor des corps

Lorsque nous parlons du corps de quel corps parlons-nous ?

On peut aborder cette question à plusieurs niveaux :

Il y a celui du médecin (généraliste, légiste, spécialiste…) que l’on peut appeler le réel physiologique du corps, niveau sur lequel le psychanalyste n’a usuellement que peu de visibilité.

En revanche celui qu’a à connaître le psychanalyste c’est la dimension imaginaire du corps, celui pris dans les dimensions artistiques, esthétiques, les arts en général, toutes les formes socialisées et nécessaires de cet imaginaire du corps. C’est la dimension de l’imago, celle du corps vectorisé par la question du miroir que le sujet qui vient parler, engagé dans cet imaginaire du corps, ne cesse d’évoquer.

Et puis il y a le corps dont Lacan se plaira à dire que « Le corps c’est l’Autre » indiquant ainsi que le corps n’est fait que de mots, de signifiants, de lettres… Toucher aux mots c’est toucher au corps, toucher au corps c’est toucher aux mots. C’est donc insister sur le bord symbolique du corps. Ce qui intéressera l’analyste sera ainsi le nouage de l’imaginaire du corps et des mots pour le dire.

Unité ou fragmentation du corps ?

Historiens, ethnologues, anthropologues, sociologues nous montrent que nous sommes pris dans un double phénomène. Alors que le corps devenait au fil des siècles de plus en plus autonome (les juristes n’hésitant pas à parler même des « droits du corps », comme si le corps était un acteur politique, un acteur citoyen), le corps apparaît aujourd’hui fragmenté, dispersé, de plus en plus composite et devient comme dans le body art, non plus un lieu d’unité, mais un lieu de transitions de formes, de transformations continues.

La question du corps constitue donc bien un champ d’exploration large qui évolue ainsi au fil de nos réalités contemporaines, géographiques et culturelles.

Les événements du corps aujourd’hui

Nous explorerons dans ces matinées les pathologies où le lien au corps est profondément altéré, comme dans certains épisodes psychosomatiques ou dans l’hypocondrie. C’est ici le corps « absent » ou au contraire « surinvesti » qu’il s’agira d’interroger dans une perspective pluridisciplinaire (discours médical, social, clinique, psychanalytique, anthropologique, ou encore artistique). Nous interrogerons également la « disparition du corps » à l’ère du numérique, et comment les conditions de la rencontre psychanalytique peuvent se maintenir dans la cure de « l’Homme connecté ». Enfin, il s’agira plus largement d’interroger les liens complexes que le corps entretient avec la notion de « jouissance » en tant qu’expérience liée au désir et à la souffrance, et comment il devient son terrain d’expression privilégié par-delà les normes sociales et culturelles.

Dans un monde où la place du corps est de plus en plus mise en avant, tant à travers les médias que dans les discours sur la santé et le bien-être, il paraît essentiel d’explorer comment les enjeux sociétaux influencent notre rapport au corps. Nous nous pencherons sur les implications de cette dynamique sur notre psyché et sur la manière dont la psychanalyse peut permettre d’approcher les enjeux psychiques du « corps en souffrance ». Ce cycle de conférences invitera les participants à échanger, à interroger et à redéfinir ce qu’avoir un corps peut bien vouloir dire.